8 septembre 2016

Au diable vert

Armand Yon, Au diable vert, Paris, éditons Spes, 1928, 255 pages.

Première partie
La population de Marsouins (Marsoui) attend M. Ernest Lalonde, un Montréalais qui s’est porté acquéreur de la scierie locale.  Celui-ci doit étrenner un nouveau tronçon de route, ce que le jeune Félix Gervais, 16 ans, attend impatiemment lui qui n’est jamais sorti de son village. M. Lalonde, un veuf, est accompagnée de sa sœur et de sa fille de 13 ans Edna, une jeune demoiselle gâtée et pas très commode.  L'industriel passe l’été à Marsouins pour remettre en marche l’usine. Avant de retourner en ville, il promet au jeune Félix de prendre en charge ses études.

Deuxième partie
Un an plus tard, Félix débarque à Montréal, habite chez son bienfaiteur, poursuit des  études commerciales. Monsieur Lalonde agit comme un véritable père pour le jeune homme. Trois ans passent, Félix s’ennuie fermement, mais réussit fort bien ses études, au terme desquelles il rêve de revenir chez lui. Monsieur Lalonde s’ouvre sur ses projets : il aimerait que Felix épouse sa fille et prenne sa suite. Un vol se produit chez les Lalonde.

Troisième partie
Beaucoup d’indices laissent croire que Félix pourrait être l’auteur du vol, ce que M. Lalonde peine à croire.  Félix n’est pas là pour se défendre, car il a dû interrompre ses études et retourner à Marsouins où son père est très malade. Quelque mois plus tard, M. Lalonde, par hasard, découvre les objets qui ont servi au vol dans la commode de sa fille, qui a agi par jalousie. Pour la punir, il décide de se remarier. Et, à l’été, il  se rend à Marsouins, avec sa nouvelle épouse, pour servir de père à Félix qui doit épouser la maîtresse d’école. M. Lalonde le nomme aux commandes de sa scierie à Marsouins.

C’est un roman d’une extrême sobriété, pour ne pas dire sans éclats, sans relief. L’auteur s’adresse aux lecteurs européens et beaucoup de passages didactiques leur expliquent le mode de vie et le langage des Canadiens. D’ailleurs, dans l’intro, Yon explique aux Européens pourquoi le Québec ne saurait se réduire à Maria Chapdelaine. Les agriculteurs de 1928 n’ont plus rien à voir avec l’irréductible défricheur qu’incarnait Samuel Chapdelaine : « ils dorment sous un toit fixe, et l’effort initial de leur pères leur vaut déjà une certaine aisance ». On est quand même surpris qu’un roman campé en Gaspésie donne aussi peu d’importance, à la pêche et au fleuve.

L’abbé Armand Yon vivait en France quand il a écrit de roman. Il avait passé des vacances à Marsouins.

Extrait
Une ère nouvelle allait donc s’ouvrir pour Marsouins, qui ne recevait en toute saison que de rares voyageurs de commerce et, pendant les mois d’été, quelques touristes séduits par l’étonnante beauté du paysage. Un riche industriel de Montréal, M. Ernest Lalonde, venait d’acheter récemment de la Duchesnay lumber C° sa scierie — ou son moulin à scie, comme on dit là-bas — fermée depuis la guerre. Félix voyait déjà les billots descendre en files pressées le cours de la Rivière aux Marsouins ; il entendait le sifflement des scies rondes, alors que de nombreuses goélettes se balançaient au quai, attendant leurs cargaisons de madriers, de planches, de lattes, de bardeaux...

Et il avait confiance que les gains de son père lui permettraient d’aller étudier à Québec ou à Montréal — son rêve !

— J’en ai assez, se disait-il, j’en ai assez de notre petite école. Renoter toujours la même chose, cela devient achalant !

Plutôt délicat, quoique bien musclé, Félix paraissait à peine ses seize ans. Pendant l’été, il relevait en brosse ses cheveux blond cendré, ce qui donnait à sa figure un air plus mâle. Il avait les bons yeux gris, un peu bridés, d’un chat tranquille. Bien que sympathique, l’ensemble accusait presque une origine anglo-saxonne.

À la vérité, son grand-père avait abordé tout jeune en Gaspésie, comme tant d’autres émigrants anglais venus, depuis plus d’un siècle et demi, de l’île de Jersey. Ces nouveaux colons s’établirent sur la côte, où ils s’adonnèrent surtout à la pêche de la morue pour le compte de la puissante Cie Robin. Convertis au catholicisme par les missionnaires, ils épousèrent des Canadiennes, et de ces mariages est sortie une génération vigoureuse, alliant à l’énergie britannique les qualités plus nuancées des populations du Québec. (p. 15-16)





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