Émile
Chevalier, Les Nez-Percés, Paris, Michel Lévy Frères, 1867, 320 p. (1re
édition : Paris, Poulet-Malassis, 1862)
L’action se déroule dans l’Ouest, dans les années 1830. Elle met en scène
plusieurs tribus autochtones, dont les Nez-Percés bien sûr, mais aussi les
Chinooks, les Clallomes, les Têtes-plates, etc., bref tous ceux qui
vivent près du fleuve Columbia. Tout ce beau monde est en guerre et, à travers
eux, un Métis (Oli-Tahara) devenu chef des Chinouks, une Blanche (Merellum) qui
commande les Clallomes, un Blanc (Xavier Cherrier) et son fidèle serviteur
(Baptiste), un ancien esclave noir.
Merellum, aussi surnommée Face blanche ou Petit-Hirondelle, est le
personnage principal de ce récit : « Elle appartenait cependant à la
race blanche. Des Canadiens établis dans la Colombie, lui avaient donné le
jour. Mais ils étaient morts pendant sa plus tendre enfance. Une Indienne
clallome, Ouaskèma, l’avait adoptée et élevée jusqu’à l’âge de dix ans. Alors,
Ouaskèma fut tuée accidentellement, disaient les uns, volontairement, disaient
les autres, par Oli-Tahara, le Dompteur-de-Buffles, qui en était amoureux et
jaloux. Merellum lui succéda au commandement des Clallomes, et, malgré son
extrême jeunesse, les gouverna avec prudence pendant plusieurs années. »
Le fil de l’intrigue est difficile à suivre. Au départ, des histoires
d’amour sont à l’origine des guerres entre les tribus. Le chef des Nez-Percés
(Molodun) est amoureux de Merellum, la souveraine des Clallomes. Il la fait
enlever et veut la forcer à l’aimer. Les Clallomes, aidés des Chinooks, riposte
en enlevant Lioura, la femme de Molodun. La guerre éclate entre eux. L’histoire
bifurque lorsqu’un Blanc (Xavier Cherrier) apparait dans le décor. Avec l’aide
de Baptiste, il enlève Merellum (dorénavant appelée Louise) et la ramène au
Fort Colville bien que Molodun les poursuive. Cherrier est dans l’Ouest pour
retrouver une cousine avec laquelle il doit partager un riche héritage. Or il
se trouve que la dite cousine est Merellum, dite Louise. Au Fort, ils retrouvent
Poignet-d’Acier, un explorateur qui a trouvé de l’or et qui compte le ramener
au Québec pour y former une armée afin de débarrasser le pays des Anglais. Louise
et Xavier sont amoureux. Leur bonheur est de courte durée. Molodun enlève Merellum-Louise
et la ramène chez les Nez-Percés. Mais Baptiste, à nouveau, enlève la jeune
fille et la ramène à Xavier. On peut supposer que les deux jeunes gens vont
rentrer au pays avec Poignet-D’Acier.
C’est un roman d’aventures, assez décousu : on distingue mal le fil
qui relie les différents épisodes et il faut beaucoup de temps pour
« entrer dans ce roman ». S’ajoutent plusieurs descriptions de lieux,
et malgré tout, le lecteur a du mal à trouver ses repères quant aux lieux où se
déroule l’action. L’auteur décrit certains rituels qui ont cours chez ces
Autochtones de l’Ouest sans les intégrer à l’action. Chevalier cite Wanderings of an artist among the Indians of
North America de Paul Kane. On peut supposer qu’il s’en est inspiré.
L’image qui se dégage des Autochtones est plutôt négative : infantiles, cruels,
belliqueux, jaloux. L’écriture est raffinée. Chevalier (il a vécu au Canada
entre 1852 et 1860) était de retour en France lorsqu’il a écrit ce roman pour
un public français, d’où certaines observations, en notes infrapaginales, sur
le parler et les coutumes des Canadiens français.
Extrait
« Molodun, le Renard-Noir, éleva lentement son arc à la hauteur de ses
yeux. En le faisant, il tremblait un peu. L'attention de la foule était
puissamment excitée. C'est que Molodun était le dernier rejeton d'une longue
suite de guerriers illustres chez les Nez-Percés. Quoique âgé de vingt-cinq
hivers à peine, il s'était déjà rendu redoutable à leurs ennemis les
Pieds-Noirs et les Chinouks, qui ne prononçaient son nom qu'avec terreur. Vingt
chevelures pendues dans sa cabane disaient éloquemment sa valeur. Son cou, ses
épaules, ses bras, ses jambes étaient rayés de colliers de griffes d'ours, et
son arc était fait avec la dent d'un narval qu'il avait tué lui-même dans une
excursion à la baie d'Hudson. Cette particularité ajoutait à sa renommée, car
on sait que le narval inspire aux tribus sauvages de l'Amérique du Nord un
effroi superstitieux Du reste, Molodun, le Renard-Noir, était doué d’une beauté
rare, bien que sa taille fût gigantesque, il mesurait six pieds de hauteur,
mais ses proportions étaient admirablement prises. Elles annonçaient la force
jointe à l'agilité, l'ardeur du sang unie à son abondance. Les lignes de son
visage ne manquaient ni de noblesse ni d'agrément […] »
Sur Émile Chevalier
Voir aussi d’Émile Chevalier : Le Pirate du Saint-Laurent
Sur les Nez-Percés
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