J. H. H. Lapointe, Le Trésor du géant, Longueuil, Chez l’auteur, 1929, 264 pages. (Avait paru en feuilleton l’année précédente dans Mon Magazine)
Paul Allaire et David Béland ont quitté Montréal pour trouver un trésor près de la rivière du Chien. Les deux hommes vont rejoindre le chantier de la compagnie Anderson tout près et espèrent s’y faire engager, quitte à consacrer leur dimanche à la recherche du trésor. En chemin, ils sont surpris par la nuit et la pluie et ils finissent par trouver refuge chez Pierre Larisière et sa femme, deux vieux qui entretiennent la ferme de la compagnie à quelques milles du camp.
Deux jours plus tard, ils arrivent au chantier et ils font la connaissance des deux enfants du couple Larisière, Jean et Marcelle. Au camp, un matamore polonais du nom de Polsuk sème la terreur. David Béland, qui est lui-même un géant de sept pieds, a tôt fait de le mâter. La vie s’organise, les deux hommes ayant été embauchés sur le champ. Les bûcherons, répartis en équipe de travail, compétitionnent pour obtenir une prime que méritent les plus rapides. L’équipe de Béland détrône celle de Polsuk. Tranquillement se développent les amours de Marcelle Larisière et David Béland. Un incendie, dont Polsuk est involontairement responsable, rase la ferme des Larisière. Polsuk, sauvé in extremis par Béland, change du tout au tout et fait la paix avec tout le monde. Finalement, Béland et Marcelle profitent de la présence d’un missionnaire pour se marier. Le roman se termine par la recherche du trésor. Ce dernier a été caché par un homme qui partait à la guerre. Ce qu’il fallait trouver, c’était un code écrit à partir d’entailles faites sur les arbres (première lettre de chaque arbre). Dans l’épilogue, on apprend que la ferme a été reconstruite et qu’on s’apprête à ouvrir à l’agriculture ce qui n’était jusqu’ici que forêt. Mêmes riches, Marcelle et Béland ont l’intention de continuer à travailler au chantier, du moins pour l’année qui vient.
Le Trésor du géant est présenté par l’auteur comme un roman du terroir. En fait, il y a, un peu plaqué tout de même, un discours agriculturiste lié à la survivance du peuple canadien-français. Roman du terroir? Douteux. Le titre pouvait nous laisser croire à un roman d’aventures. Pourtant, l’intrigue qui relie le début et la fin (la recherche du trésor) est laissée de côté tout au long du roman. Ce n'est pas non plus un roman de mœurs, même si on découvre le fonctionnement d’un camp de bûcherons dans les années 20. Il n’y a pas non plus une intrigue amoureuse assez consistante pour qu’on puisse parler d’un roman sentimental. Comme vous le devinez, le roman va un peu en tous sens, comme si l’auteur se cherchait. Il faut dire aussi que l’écriture n'est pas tellement achevée ; entre autres certaines ellipses temporelles nous amènent à vérifier s’il manque des pages. Ce roman est nettement inférieur à La Terre que l’on défend du même auteur. Un site internet a été consacré à Henri Lapointe.
Extrait
Nos voyageurs arrivèrent au campement Alderson à midi et demi.
Il y avait là sept constructions : la grande hutte des bûcherons, reliée à la cuisine par un court passage couvert : une autre longue hutte servant d'étable à proximité d'une quatrième bâtisse où logeaient les charretiers : une cinquième habitation servait d'hôpital et la sixième était la buanderie. Six de ces édifices étaient faits de bois équarri et ensuite blanchi à la chaux. Les murs, épais de plus de deux pieds, ne permettaient pas au froid, grâce à un calfeutrage soigné des interstices, de pénétrer à l'intérieur. De larges fenêtres dans la demeure des bûcherons et la cuisine y laissaient entrer à flot la lumière et, dans le toit, plusieurs ventilateurs assuraient une bonne circulation de l'air. Le septième édifice était une coquette maison de planches. C'était le château du patron et de sa famille, famille composée de trois personnes : M. Alderson, Madame Alderson, Miss Sarah Alderson. Marcelle Larisière avait sa chambre dans cette maison.
Allaire et Béland furent séduits par le riant aspect de ces habitations rustiques et, le cœur joyeux, pénétrèrent dans la hutte des bûcherons. Ils la trouvèrent presque vide, car, en effet, il ne s'y trouvait qu'un jeune homme qui commençait à guérir d'une blessure de hache à un pied et le chauffeur de poêles.
Le blessé salua avec joie les visiteurs et leur confia :
— Notre contremaître, monsieur Laplante, va être enchanté de vous voir car, pour former une nouvelle équipe, il lui manquait deux hommes.
— Alors, nous tombons comme marée en carême ! fit Paul Allaire.
— Vous arrivez au moment propice mais je suis certain que le patron eut préféré deux gaillards comme votre compagnon, car vous me semblez bien fluet pour nos durs travaux.
— Vous badinez puisque vous êtes plus petit que moi! répondit Paul.
— Je connais le métier et je mettrais nia main au feu que c'est la première fois que vous venez aux chantiers.
— Ce n'est pas ai difficile que cela de manier la scie.
— Vous verrez que c'est rudement fatiguant!
— Mon ami possède une grande endurance, déclara Béland.
— Je n'en doute pas, mais je parierais que le contremaître ne donnera à votre ami qu'une position de coupeur de chemins, poste le plus humble.
— Pourquoi ? questionna Paul.
— Pour la raison que, chez nous, les hommes qui abattent les arbres et les coupent ensuite en longueurs, sont choisis parmi les plus robustes. Comme M. Alderson accorde une prime de vingt-cinq piastres à l'équipe qui mensuellement, empile sur le grand chemin le plus grand nombre de billes, il faut voir avec quel entrain fougueux les bûcherons travaillent pour remporter la victoire.
— Les vainqueurs ont-ils gagné par une forte marge, le mois dernier! s'informa David.
— Une cinquantaine do longueurs de bois.
— Je vais demander au patron la charge de l'équipe nouvelle et détrôner ces champions! proféra gravement David.
L'éclopé éclata d'un rire incrédule et s'écria:
— Vous entreprenez là une lutte impossible car l'équipe de Polsuk est invincible.
Au nom de Polsuk, David Béland avait sursauté.
— N'est-ce pas un émigré Polonais? s'enquit-il en serrant nerveusement ses formidables poings,
— Oui, monsieur. J'ajouterai qu'à l’rencontre de ses compatriotes, fervents amis des Canadiens-Français, il a pour notre race une aversion profonde.
— Comment pouvez-vous expliquer cela?
— Son premier stage, en notre pays, fut en Ontario, et je présume que le hasard l'a fait, tomber chez l’un de nos plus violents persécuteurs. (p. 29-41)
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