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29 mars 2009

Heures solitaires

Arthur Lacasse, Heures solitaires, Québec, À compte d’auteur, 1916,188 pages.


Ayant chanté sa messe et dit son bréviaire, le curé de campagne disposait de moments libres qu’il devait meubler d’un loisir. L’abbé Arthur Lacasse, curé de Saint-Tite-des-Caps, se vit en quelque sorte imposer la poésie : « Dans la montagne où je demeure, la Poésie passait, chantant dans le feuillage, murmurant sur les lacs, gazouillant, folâtre, aux rives des ruisseaux, ou rêvant, silencieuse et triste, à l’ombre des grands saules. » Qui aurait pu résister à de tels appels?

Il a divisé son recueil en quatre parties auxquelles il a ajouté un épilogue :

Religion
Même si Lacasse décrit surtout des fêtes religieuses à grand déploiement, comme la Toussaint, Noël, la Semaine sainte, Pâques, la Fête-Dieu, on sent chez lui une grande humilité et beaucoup de ferveur religieuse. Les chants d’allégresse se succèdent : « Tout chante au fond des cœurs, tout vibre dans les airs »; « O soleil, resplendis! Chantez, cloches pascales, / Vos gais alléluias aux tours des cathédrales! » Il intercède auprès de Dieu, il fait appel à sa bienveillance, il lui demande de pardonner les écarts de ses paroissiens. À quelques reprises, on sent poindre certaines interrogations. Par exemple, pourquoi la souffrance? « Après la faute, Dieu, juste, fit la souffrance; / Il y mêla, clément, la justice et l’amour, / Puis, content, sur son œuvre il plaça l’espérance, / Et dans l’horizon noir l’homme entrevit le jour... »

Famille
Sept poèmes sont consacrés aux enfants. Comme des oiseaux, ils doivent survoler les « marais fangeux » s’ils veulent garder leur « cœur naïf et généreux ». Les enfants malades, les enfants pauvres, les enfants abandonnés doivent être assurés de la charité humaine. C’est l’enfant décédé, devenu ange, qui essaie de consoler ses parents : « Sur mon corps refroidi ne versez pas de larmes! »; « Chantez plutôt le Dieu que je contemple heureuse, / Et louez le seigneur! »

La nostalgie de l'enfance et du temps passé est un thème exploité dans plusieurs poèmes. « L’âme des choses », « Le vieux jardin de la maison paternelle » ramènent le poète dans son enfance. Plus loin il décrit les vieux rentiers installés au village « après cinquante ans [d’un] labeur sans trêve » et s’émeut d’un vieux paroissien ayant appartenu à l’aïeule.

Patrie
Après un hommage rendu au drapeau fleur-de-lys, Lacasse sonne la charge contre les « persécuteurs » de l’école française en dehors du Québec : « En maudissant cette œuvre française et divine, / Croyez-vous, ô Saxons des provinces voisines, / Arrêter l’élan? » Ou encore : « L’âme française est là : redoutez sa colère! » Ou encore : « Debout, nouveaux Croisés! Dieu vous veut à la lutte! » Dans un autre poème, il rend hommage à ses vieux maîtres d’école.

Il évoque les horreurs de la guerre, une guerre qu’il ne désapprouve pas : « Guerre qui brise sans détruire! / Toi seule peux forger, dans tes longues horreurs, / Ces hommes vraiment beaux, ces chevaliers sans peur, / Que la paix n’a pas sur produire. »

De façon inattendue, la lutte contre l’alcoolisme est aussi considérée comme un acte patriotique. « Chassez, ô citoyens, des foyers où l’on pleure, / Ce dieu qui les a faits pauvres et désolés! » Enfin, il évoque l’histoire de Baptiste, qui dut s’exiler et trimer dur, pour racheter le bien paternel que son père avait dû céder. « L’un des plus grands bonheurs que l’on ait sous le ciel, / C’est de vivre et mourir sur le ‘bien’ paternel. »

Au caprice de la muse
Comme l’indique le titre, sont regroupés ici les poèmes qui n’entraient pas dans les sections ci-dessus. Poèmes à teneur morale, poèmes élégiaques, célébration de la nature, poèmes de circonstances, dont un sur « les médecins et les microbes » et un autre sur « l’épidémie du vaccin à Québec », bref tout ce qui fait vibrer, intéresse ou amuse le curé Lacasse, compose cette partie.

En marge
Dans cet épilogue, qui ne compte qu’un poème, « Une piètre excuse », il s’adresse à son ami l’abbé C. R., celui-là même qui l’a incité à publier ses vers.


NE PLEUREZ PAS !

Parents, auprès de cette tombe,
Pourquoi ces amères douleurs ?
Pourquoi cette larme qui tombe
Sur votre enfant couvert de fleurs ?

Cinq ans, hélas! sur cette terre
Il avait égaré ses pas. . .
S'il dort au tertre funéraire,
Parents chrétiens, ne pleurez pas !

Hier encore, avec tendresse,
Vous le berciez sur vos genoux;
S'il préfère d'autres caresses,
Ah! n'allez pas être jaloux!

S'il est parti, mère, pardonne!
Le ciel lui paraissait si beau !
Et si brillante la couronne
Que lui tendait Jésus là-haut!

Sa petite âme pure et belle,
Comme autrefois vous aime tous;
Vos larmes lui seraient cruelles:
Vous qui l'aimiez, consolez-vous !
(p. 65-66)

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