LIVRES À VENDRE

16 décembre 2008

La Noël au Canada

Louis Fréchette, La Noël au Canada, Toronto, Georges N. Morang, 1900, 288 pages. (Illustrations de Frederik Simpson Coburn).

Louis Fréchette a écrit deux versions de ce recueil : un première en anglais (Christmas in french Canada, 1899) et celle-ci, en français. Il semble que certains contes, d’abord écrits en anglais, ont été réécrits (et non traduits) en français. Pourquoi «en anglais» d'abord? Simplement parce qu'il existait un intérêt pour les contes folkloriques chez les anglophones.

Comme le veut le genre, c’est souvent naïf, gentil. Mais qu’importe, ne boudons pas notre plaisir! Fréchette est un sacré conteur, il ne faut pas en douter! C’est vif, charmant, sentimental, varié, bien écrit, sans enflures verbales, bref c’est du plaisir de bout en bout. Ce livre n’a jamais connu une belle réédition. L’édition de 1900, avec ses bandeaux, ses lettrines et ses culs-de-lampe est magnifique. Les illustrations, un peu défraîchies dans mon exemplaire, proviennent de Coburn qui, on le sait, est un illustrateur important du début du vingtième siècle. À la même époque, il illustrera aussi The Habitant de Drummond. Voici un aperçu du recueil
:

Voix de Noël
Poème qui célèbre les joies de Noël.

Au seuil
Un trappeur, depuis 16 ans en Alaska, décide de rentrer chez au Québec. Il doit d’abord rejoindre Edmonton, ce qui représente quelques semaines de marche. Le 24 décembre, comme il ne se trouve plus qu’à une journée de marche, il décide d’aller de l’avant malgré une forte tempête. Il se perd. Il campe en attendant que le temps se calme. Le lendemain, un peu perdu, à la vue d’un poteau de télégraphe, il se rend compte qu’il a dépassé Edmonton. Pourtant, il se jette au pied de ce poteau qui représente pour lui la civilisation et un lien avec les siens.

Le violon de Santa Claus
Le petit Louis, trois ans, est très malade. Il fait beaucoup de fièvre. Aux dires du médecin, seul le sommeil pourrait le guérir. Comme il est fou de musique, son père engage un célèbre violoniste pour jouer entre autres des airs de Noël, ce qui plonge le petit malade dans un sommeil bienfaisant.

Une aubaine
Quelques jours avant Noël, Maurice, un jeune peintre qui vient de passer cinq ans à Paris, met la main sur un tableau de Murillo pour une bouchée de pain. Avant de le vendre, il en fait une copie qu’il offre au curé de sa paroisse. Or, il se trouve que ce tableau appartenait à Suzanne, une jeune fille qui a pris soin de sa mère aveugle en son absence, et qui a dû s’en départir pour raison de pauvreté. Le soir de Noël, Maurice, déjà amoureux de Suzanne, lui offre les profits de sa vente, mais elle refuse malgré toutes ses insistances. Le curé trouve une solution : les deux jeunes gens n’ont qu’à se marier.

Tempête d’hiver
Le narrateur et son ami, un médecin, décident d’aller passer Noël chez un confrère de Saint-Tite-des-Caps. Ils sont surpris par une tempête et trouvent finalement refuge chez un habitant. Le docteur est reçu à bras ouverts puisque la femme est en train d’accoucher.

Petite Pauline
Les parents de Pauline éprouvent tant d’amitié pour une veuve sans enfant qu’ils l’ont adoptée. Elle est devenue la compagne adorée de leur petite Pauline. Le soir de Noël, l’enfant force tante Lucie, la veuve, à étendre son bas de Noël et, repoussant son sommeil, elle divise à parts égales les bonbons et jouets que ses parents y déposent.

Les bûches de Noël
Une tradition bretonne veut que le soir de Noël, on fasse brûler une bûche qu’on baptise. Personne ne doit profaner cette bûche. Dans un château, le seigneur, qui est un mécréant, voyant ses serviteurs en train d’honorer cette tradition, s’empare de la bûche et la jette dehors. On entend alors un hurlement. On ne revit plus jamais le mécréant. On dit que le bonhomme dans la lune, c’est lui expiant sa faute.

Jeannette
Jeannette est très attristée d’apprendre que Florina, la fille de leur blanchisseuse, n’a pas reçu de cadeaux de Noël l’an dernier. Elle demande au Petit Jésus de lui donner tous les cadeaux qui lui sont destinés. Touché, le père comble de cadeaux Florina, mais en réserve aussi un certain nombre pour les donner à sa fille au jour de l’An.

La Tête à Pitre
Deux Américains fortunés, venus passer leurs vacances de Noël à Québec, cherchent des canotiers qui leur feront traverser le fleuve, bien que le temps soit mauvais. Un vieux canotier, pour les en dissuader, leur raconte l’histoire de Pitre Soulard, un canotier trop téméraire, qui fut projeté dans le fleuve et qui eut la tête tranchée par une glace.

Ouise (voir l’extrait)
La petite Ouise (Louise) est une enfant adorable. Le matin de Noël, elle se lève avant tout le monde et se rend à l’église : elle a vu que le petit Jésus était nu et elle est allée lui donner la robe de la poupée qu’elle vient de recevoir. C’est le curé qui la ramène à la maison.

Le fer à cheval
L’histoire se passe à la Nouvelle-Orléans. Le narrateur partage un appartement avec son ami Alphonse, un homme superstitieux comme pas un. Un jour, Alphonse trouve un fer à cheval. Des bandits rodent dans les parages. Le soir de Noël, Alphonse, resté seul à la maison, se croit victime d’un cambriolage. Il lance son fer sur les bandits, qui se révèlent des policiers en train de surveiller les lieux. En cherchant son fer, il retrouve un portefeuille et une grosse somme qu’il avait perdus.

Tom Caribou : Voir Les Contes de Jos Violon.

Titange : Voir Les Contes de Jos Violon.

Le loup-Garou
Lors d’une épluchette, qui a lieu à Saint-Antoine-de-Tilly, une vieille raconte l’histoire de deux mécréants qui, le soir de Noël, se saoulent, et se moquent de toutes les mises en garde de leurs concitoyens. Or quand les cloches de l’église célèbrent l’élévation, l’un d’eux croit apercevoir un loup, ne sachant trop si c’est l’ébriété ou une punition divine. En fait, il finit par découvrir que c’est son copain de beuverie, transformé en loup-garou. Il en perd la raison.

Un voleur
Histoire mélodramatique, écrite en vers, d’un petit pauvre qui vole une poupée pour la donner en cadeau à sa sœur malade et se fait prendre.

Ouise

Il y a quelques années passées, des circonstances particulières avaient conduit à Nicolet – jolie petite ville située sur les bords de la rivière du même nom – une famille de cinq personnes en tout, ni riche ni pauvre, de condition ni humble ni brillante, mais chez qui l’ange du bonheur domestique avait toujours eu sa place au foyer et son couvert à table.
À l’époque où se passe ma petite histoire, la plus jeune des trois enfants – une blonde aux yeux noirs, toute mignonne et toute frêle – avait à peine quatre ans; mais sa jolie figure et ses mines futées, pleines d’espiègle câlinerie, l’avaient déjà rendue populaire dans tout le voisinage.
Elle parlait toujours d’elle-même à la troisième personne; et son nom de Louise – qu’elle prononçait Ouise – était devenu familier un peu partout, depuis le bac du passeur Boisvert jusqu’au palais épiscopal; car il ne faut pas oublier que nous sommes dans un évêché.
Quand celle qui le portait se penchait au balcon sur lequel s’ouvrait le salon paternel, ou qu’elle se promenait, légère comme une alouette, dans les allées du jardin, sa tête mutine émergeant ci et là parmi les rosiers et les chèvrefeuilles, les vieux prêtres qui se rendaient auprès de l’évêque, les collégiens qui tournaient l’avenue du Séminaire, les messieurs et les dames qui suivaient le trottoir de la grand’rue, ne manquaient jamais de lui dire en passant :
– Bonjour, Louise!
Ce à quoi une petite voix fraîche et rieuse répondait invariablement :
– Bonzour!
Les cochers même, les travailleurs qui revenaient du chantier après leur journée faite, lui souriaient avec un mot d’affection :
– Bonjour, mam’zelle Louise!
Et la fillette répondait avec un gazouillis sonore et clair comme un ramage de pinson :
– Bonzour, monsieur.
Souvent elle arrêtait les cochers d’un signe de son petit doigt rose, et quand ils s’approchaient pour lui demander ce qu’il pouvait y avoir à son service :
– Un tit tour! murmurait-elle à demi-voix, pendant que tout un arsenal de malins sourires se dessinait aux coins de sa bouche et de ses yeux.
Quelquefois le cocher objectait :
– J’ai pas le temps, mam’zelle Louise.
Alors, elle posait l’index de sa main droite sur l’index de sa main gauche, et avec un accent d’irrésistible lutinerie :
– Un tit, tit, tit, tit!... gazouillait-elle, en variant ses intonations comme les vocalises les plus flûtées de la musique italienne.
C’était fini. Le cocher s’arrêtait, la regardait un instant, puis cédant tout à coup à un accès de bienveillance bourrue :
– Bigre d’enfant! grommelait-il, pas moyen de lui rien refuser, à celle-là...
Et saisissant la petite dans ses deux bras robustes, il la déposait sur le siège de son barouche, sautait à côté d’elle, fouettait sa bête, et partait à l’aventure, pendant que l’enfant secouait ses boucles blondes dans le vent, et que ses éclats de gaieté s’égrenaient dans l’air comme des poignées de perles, aux oreilles des passants, qui la regardaient aller avec un sourire.
Bref, Louise se faisait aimer. Aimait-elle quelqu’un en retour?

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Voir aussi Coburn

Louis Fréchette sur Laurentiana
Mémoires intimes





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