Arsène Bessette, Le Débutant, St-Jean, Imprimé par la Compagnie de publication « Le Canada français », 1914, 257 p. (Dessins de Théophile Busnel et St-Charles)
Paul Mirot est un orphelin (un autre!). Ses parents lui ont laissé une terre que son oncle et sa tante Batèche, sans enfants, exploitent. Il étudie et décide de devenir journaliste. Son ami Jacques Vaillant lui offre un travail dans Le Populiste, le journal d’un ami de son père député. Paul quitte sa « pure » campagne et se rend dans la ville pleine de vices, Montréal. Au journal, il accomplit de petits travaux, sous haute surveillance. N’est pas journaliste qui veut, à cette époque. Les journaux sont plus ou moins les porte-parole des partis politiques, donc mêlés à toutes sortes de basses combines. Son ami Jacques lui fait découvrir les plaisirs de la ville, en le mettant en garde toutefois contre tous les dangers qui guettent les jeunes hommes innocents comme lui. Il rencontre Simone Laperle, la cousine de Jacques, une belle jeune veuve qui a survécu à un vieux mari violent et dépravé. Elle se cache dans la zone anglaise pour ne pas scandaliser les Canadiens français. Ils ont une liaison, il veut l’épouser, mais elle refuse. Entre-temps, le parti que leur journal appuie connaît des déboires. Les deux jeunes compères, voyant venir leur fin, fondent un autre journal plus libéral, Le Flambeau. Tout finit mal. L’homme politique qu’ils appuient perd ses élections, le journal périclite, et leurs bureaux sont incendiés par des fanatiques de droite. Pire encore, la jeune veuve meurt. Paul Mirot décide de suivre son ami Jacques à New York, en espérant qu'un «homme nouveau [naisse] en lui» (p. 251).
Ce roman, édité par Le Canada français, journal où travaillait Bessette, fit scandale. Il fut condamné par Mgr Bruchési. Une conspiration du silence fit en sorte que le roman passât inaperçu. Il faut dire qu’Arsène Bessette allait à l’encontre des idées phares de son époque. Outre le fait qu’il mette en scène des amants qui ont des relations extra-maritales, il attaque la religion, du moins quand elle se mêle du temporel : « Il aimait mieux suivre la trace des grands hommes d'état qui ont fondé les démocraties, des penseurs, des philosophes dont les œuvres ont contribué à rendre les hommes meilleurs, plus justes et plus fraternels envers leurs semblables. Il revendiquait le droit de différer d'opinion avec le clergé, quand il s'agissait d'affaires temporelles, et de combattre son influence politique. » (p. 144-145). Il vilipende la politique dont les mœurs sont corrompues, le journalisme contrôlé par des bigots fanatiques de droite ou des nationalistes tournés vers le passé. « Il dénonça les petits saints et les faux patriotes se proclamant les seuls défenseurs des droits des Canadiens français et de leur religion, afin d'exploiter la crédulité populaire à leur profit, tout en commettant sans danger les pires injustices. Pour échapper au triste sort que ces faux patriotes nous préparent, dit-il, l'on doit renoncer à l'isolement dans lequel on essaie de nous maintenir, fermer l'oreille aux discours flagorneurs de Saint-Jean-Baptiste, nous proclamant chaque année, au moins de juin, les seuls êtres bons, honnêtes, courageux, intelligents et instruits qui existent au monde. On ne s'y prendrait pas autrement pour suborner une coquette imbécile et jolie. Les hommes sérieux ne doivent pas se laisser aveugler par ces louanges mensongères. Il faut avoir le courage de regarder la réalité en face. Nous occupons une situation inférieure en ce pays et par notre faute: parce que l'on ne fait pas la part assez large à l'enseignement pratique; parce que nous avons peur de raisonner et de marcher avec le siècle ; parce qu'on nous a trop longtemps habitués à vivre dans la contemplation du passé, au lieu de tourner nos regards vers l'avenir. » (p. 165).
Ce roman, « qui n'a pas été écrit pour les petites filles », parut en 1914, tout comme Maria Chapdelaine (dans Le Temps, à Paris). Alors que la jeune fille du Lac-Saint-Jean décide de rester au Québec, le héros de Bessette, à la toute fin, choisit les États-Unis. Le roman présente certaines faiblesses qui sont bien cernées sur ce site : Lire.ca. ***
Paul Mirot est un orphelin (un autre!). Ses parents lui ont laissé une terre que son oncle et sa tante Batèche, sans enfants, exploitent. Il étudie et décide de devenir journaliste. Son ami Jacques Vaillant lui offre un travail dans Le Populiste, le journal d’un ami de son père député. Paul quitte sa « pure » campagne et se rend dans la ville pleine de vices, Montréal. Au journal, il accomplit de petits travaux, sous haute surveillance. N’est pas journaliste qui veut, à cette époque. Les journaux sont plus ou moins les porte-parole des partis politiques, donc mêlés à toutes sortes de basses combines. Son ami Jacques lui fait découvrir les plaisirs de la ville, en le mettant en garde toutefois contre tous les dangers qui guettent les jeunes hommes innocents comme lui. Il rencontre Simone Laperle, la cousine de Jacques, une belle jeune veuve qui a survécu à un vieux mari violent et dépravé. Elle se cache dans la zone anglaise pour ne pas scandaliser les Canadiens français. Ils ont une liaison, il veut l’épouser, mais elle refuse. Entre-temps, le parti que leur journal appuie connaît des déboires. Les deux jeunes compères, voyant venir leur fin, fondent un autre journal plus libéral, Le Flambeau. Tout finit mal. L’homme politique qu’ils appuient perd ses élections, le journal périclite, et leurs bureaux sont incendiés par des fanatiques de droite. Pire encore, la jeune veuve meurt. Paul Mirot décide de suivre son ami Jacques à New York, en espérant qu'un «homme nouveau [naisse] en lui» (p. 251).
Ce roman, édité par Le Canada français, journal où travaillait Bessette, fit scandale. Il fut condamné par Mgr Bruchési. Une conspiration du silence fit en sorte que le roman passât inaperçu. Il faut dire qu’Arsène Bessette allait à l’encontre des idées phares de son époque. Outre le fait qu’il mette en scène des amants qui ont des relations extra-maritales, il attaque la religion, du moins quand elle se mêle du temporel : « Il aimait mieux suivre la trace des grands hommes d'état qui ont fondé les démocraties, des penseurs, des philosophes dont les œuvres ont contribué à rendre les hommes meilleurs, plus justes et plus fraternels envers leurs semblables. Il revendiquait le droit de différer d'opinion avec le clergé, quand il s'agissait d'affaires temporelles, et de combattre son influence politique. » (p. 144-145). Il vilipende la politique dont les mœurs sont corrompues, le journalisme contrôlé par des bigots fanatiques de droite ou des nationalistes tournés vers le passé. « Il dénonça les petits saints et les faux patriotes se proclamant les seuls défenseurs des droits des Canadiens français et de leur religion, afin d'exploiter la crédulité populaire à leur profit, tout en commettant sans danger les pires injustices. Pour échapper au triste sort que ces faux patriotes nous préparent, dit-il, l'on doit renoncer à l'isolement dans lequel on essaie de nous maintenir, fermer l'oreille aux discours flagorneurs de Saint-Jean-Baptiste, nous proclamant chaque année, au moins de juin, les seuls êtres bons, honnêtes, courageux, intelligents et instruits qui existent au monde. On ne s'y prendrait pas autrement pour suborner une coquette imbécile et jolie. Les hommes sérieux ne doivent pas se laisser aveugler par ces louanges mensongères. Il faut avoir le courage de regarder la réalité en face. Nous occupons une situation inférieure en ce pays et par notre faute: parce que l'on ne fait pas la part assez large à l'enseignement pratique; parce que nous avons peur de raisonner et de marcher avec le siècle ; parce qu'on nous a trop longtemps habitués à vivre dans la contemplation du passé, au lieu de tourner nos regards vers l'avenir. » (p. 165).
Ce roman, « qui n'a pas été écrit pour les petites filles », parut en 1914, tout comme Maria Chapdelaine (dans Le Temps, à Paris). Alors que la jeune fille du Lac-Saint-Jean décide de rester au Québec, le héros de Bessette, à la toute fin, choisit les États-Unis. Le roman présente certaines faiblesses qui sont bien cernées sur ce site : Lire.ca. ***
Extrait
« L’Intégral, un journal rétrograde qui en est encore à ressasser les idées du Moyen Âge, n’a-t-il pas eu la sottise d’écrire que l’aviation était un crime contre Dieu, parce que si le Créateur avait voulu que l’homme s’élevât dans les airs, il lui eût fait pousser des ailes? Les véritables ennemis des Canadiens français sont les gens de cette espèce et non l’Anglais entreprenant, progressiste, qui ne nous demande que de l’aider à faire du Canada une nation prospère et libre, à côté de la grande république américaine, accordant des droits égaux à toutes les races et admettant toutes les opinions religieuses et philosophiques.
Ses auditeurs l’écoutaient avec étonnement, mais trouvaient qu’il parlait bien, tout de même. Ils sentaient confusément qu’il avait raison. Cependant, ces gens habitués à applaudir les périodes ronflantes et connues où reviennent à chaque instant les mots magiques de gloire nationale, de destinée providentielle, de foi de nos aïeux, de traditions glorieuses, ne savaient que faire de leurs mains.
Le jeune homme résuma brièvement sa pensée. Il n’était pas question d’abandonner nos coutumes françaises, nos droits reconnus par la constitution britannique, pas plus que ce parler de France dont nous avons su conserver les mâles accents, de même que l’exquise poésie. Personne ne nous demandait ce sacrifice qui serait une lâcheté. Ce que les vrais patriotes désiraient, le député de Bellemarie, entre autres, c’était que nous nous armions pour les luttes de la vie, non avec des arquebuses à mèches, datant de l’époque de Samuel de Champlain, mais en nous procurant des armes perfectionnées modernes. En d’autres termes, si les Canadiens français voulaient avoir leur part légitime dans l’exploitation des richesses de ce pays, et, au point de vue intellectuel, jouer le rôle dont ils étaient dignes par leur intelligence, ils devaient marcher de l’avant en se mettant au niveau de la civilisation des autres peuples, au lieu de se retrancher derrière un mur de Chine, fait de préjugés illusoires qu’on aurait dû reléguer depuis longtemps au paradis des caravelles et des drapeaux fleurdelisés. » (p. 165-166)
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