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27 mai 2007

Les gouttelettes

Pamphile LeMay, Les gouttelettes, Montréal, Beauchemin, 1904, 232 p.


Lemay a divisé son recueil en 18 parties! L’essentiel du recueil tient à quatre sources d’inspiration : la religion, la vie de l’auteur, la paysannerie et l’histoire.

Le sentiment religieux se retrouve ici et là dans le recueil, mais surtout dans les trois premières parties. Dans « Sonnets bibliques », le poète reprend certains passages célèbres et d’autres, moins : le paradis terrestre, le déluge, le veau d’or, l’histoire de Booz et Ruth, l’affrontement entre Samson et les Philistins, l’histoire sanglante de Judith et Holopherne. Ce que je retiens, c’est le manichéisme, le bien et le mal, l’étrange cruauté (Judith qui décapite Holopherne, Samson qui tue à qui mieux mieux ou encore Jahel qui plante un clou dans la tête de Cisara). Dans « Sonnets évangéliques », le poète évite les moments les plus dramatiques (la flagellation, la crucifixion…) de la vie de Jésus, s’en tenant à des épisodes moins prenants comme la Visitation, la conversion de Marie-Madeleine, l’affrontement avec le Sanhédrin. Je cite ces deux vers : « Et c’était l’heure chaude où la brise charrie, / Sur son aile de feu, le parfum des dattiers. » Enfin, dans « Souffle religieux », il célèbre des personnages (le pape), des lieux (l’église) et certains objets du culte, comme la lampe du sanctuaire. À travers tout cela, on perçoit la vision religieuse de l’auteur : l’homme est un être déchu, qui n’en finit plus d’expier le péché originel, un péché d’orgueil. Le Dieu de LeMay est un justicier intransigeant qui n’admet pas la moindre révolte de ses sujets.

L’élément historique, on le retrouve disséminé ici et là dans le recueil. Des hommages sont rendus à des politiciens célèbres comme Mercier et Laurier, à certains personnages historiques comme Cartier, Champlain, Dollard et à quelques figures autochtones. Le temps de quelques poèmes, l’auteur nous transporte « dans l’antiquité ». Le style de LeMay n’a pas l’emphase de celui des poètes romantiques si bien que les figures patriotiques ou les grands lieux de l’histoire sont célébrés avec retenue.

Dans les parties plus intimistes du recueil (« Au foyer » et « Grains de philosophie »), on s'approche un peu de la vie du poète, de ses proches, de ses pensées. Aussi bien dans les poèmes dédiés aux membres de sa famille que dans ses gouttelettes philosophiques, on découvre sa vision assez pessimiste de la condition humaine. « Le monde n’est-il pas un abîme qu’on longe? » La détresse n’est jamais bien loin de l’émerveillement, la tristesse de la joie. Le destin humain, c’est la souffrance. Toute protestation ou révolte sont bien inutiles. Ne reste que le rêve.

Enfin, plusieurs « sonnets rustiques » sont consacrés à la paysannerie. On retrouve les thèmes habituels du terroir : la colonisation, le feu de forêt, le labourage, la fenaison… N’oublions pas toutefois que LeMay est un précurseur en ce domaine. L’intention symboliste de l’auteur apparaît clairement : la plupart des sonnets rustiques se terminent par une réflexion, par un parallèle. Par exemple, « Le labourage » ou « Le feu de forêt » évoquent la vie qui doit se construire sur la mort, « Le broyage » et « La danse des feuilles » lui suggèrent certaines rencontres amoureuses ou « L’hiver » lui rappelle simplement la vieillesse : « Nul chant ne monte plus des grands bois dentelés. / Tous les logis sont clos, les fleuves sont gelés, / Et dans le jour douteux mille spectres se forment. // L'hiver de notre vie est triste ainsi pourtant. / Sous nos cheveux de neige, hélas! à jamais dorment / Les suaves espoirs que nous caressions tant.… »

Il est bien évident que LeMay n’est pas un grand poète (et il le sait : il suffit de lire le poème liminaire), même si la somme de son œuvre est impressionnante. Rares sont les vers qui soulèvent l’admiration. En bon poète faisant bien ses devoirs, en homme sincère, évitant les excès romantiques de ses contemporains Fréchette et Chapman, dans des sonnets sans surprises, il évoque l’univers rural de la fin du XIXe siècle. Les anthologistes retiennent souvent le poème « La maison paternelle », et c’est effectivement l’un de ses meilleurs. ***½

LA MAISON PATERNELLE

Depuis que mes cheveux sont blancs, que je suis vieux,
Une fois j'ai revu notre maison rustique,
Et le peuplier long comme un clocher gothique,
Et le petit jardin tout entouré de pieux.

Une part de mon âme est restée en ces lieux
Où ma calme jeunesse a chanté son cantique.
J'ai remué la cendre au fond de l'âtre antique,
Et des souvenirs morts ont jailli radieux.

Mon sans gêne inconnu paraissait malhonnête,
Et les enfants riaient. Nul ne leur avait dit
Que leur humble demeure avait été mon nid.

Et quand je m'éloignai, tournant souvent la tête,
Ils parlèrent très haut, et j'entendis ceci :
- Ce vieux-là, pourquoi donc vient-il pleurer ici?


Lire le recueil

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