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15 septembre 2023

Soleil noir

Élaine Audet, Soleil noir, Paris, Debresse-poésie, 1958, 61 pages. 

Il ne faut pas chercher quelques nouveautés du point de vue formel dans le recueil d’Élaine Audet. Sous cet aspect, tout est plutôt convenu. L’enjeu, c’est le contenu. La poète a des choses à dire et les dit le plus souvent avec force.

 

Au début du recueil, on lit le désespoir et la colère d’une amoureuse qui a été abandonnée : « Je fracasse / De mes poings crispés / Le crâne de ta froideur malsaine / Et la donne en holocauste / Aux dieux païens / Des voluptés anciennes / J’aimerais étrangler / Dans ta gorge d’albâtre / Toutes les paroles / Qui ne sont pas pour moi / Fouler de ma rage de fer / Tous les regards / Qui ne me sont pas destinés / Ma jalousie n’a d’égale / Que la soif de possession-monstre / Qui me ronge patiemment / Comme un cancer monotone / Mes pas infatigables / Ombrageront toujours / Ta frêle silhouette / Et mes yeux de caveaux glacés / Seront toujours rivés / À chacun de tes gestes / Tu n’existeras  / Que si je le veux / Ne l’oublie pas  / Mon amour. » (p. 10)  

 

Le propos va changer progressivement. De la désillusion amoureuse, on passe à celle envers la société. Encore une fois, le propos est violent : « Je veux dans chaque main tenir un revolver. Pour les abattre tous. Monstre. Oui et pire encore. Purifier l’univers de cette larve désarticulée groupée sous l’égide d’une société puante. Transformer le monde pour qu’enfin tous voient le bleu du ciel et respirent l’amour au printemps. Du pain pour tous et des mains qui ne se refusent plus. Je suis à l’image des vivants et ne vivrai que de leur liberté. Il nous faut tout reconstruire à la base. Faire que nos enfants ignorent la solitude et la haine. // Pousser la liberté à bout. » (p. 37)

 

La recherche d’une solidarité, d’un lien à l’autre, vont détourner la poète de sa colère. Le dernier poème en est un d’apaisement. Cette fois, c’est elle qui part mais elle assure à son « ami » que ce départ n’est ni un renoncement ni un abandon.

 

À DEMAIN

Ne pleure pas ami 
Je m’en vais
          Ivre de toi 
          Mon cri dans l’œil 
Loin très loin

Reste ami reste 
L’horizon te réclame

Un jour nous nous retrouverons 
Côte à côte dans le combat 
Les étoiles seront dégainées 
Comme notre cœur Ami 
Qui depuis longtemps languit 
Et sous ces bras-voiliers 
Emmaillés d’une galaxie éternelle 
Fléchira le passé d’acier

Ne pleure pas ainsi 
Je reviendrai ami
          Ivre de toi 
          Mon cri dans l’œil 
De loin de très loin

Vivre ami vivre 
En équilibre avec la lumière.

Sur Élaine Audet


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