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2 décembre 2022

Liola

Moïse Joseph Marsile, Liola. Légende indienne, Montréal, Imprimerie de l'Institution des sourds-muets, 1893, 95 p. 

« En 1660, seize jeunes Français, commandés par Daulac, furent attaqués par sept cents Iroquois, dans un méchant fort de pieux, au pied du Long Sault, avec l'aide d'une cinquantaine de Hurons et d'Algonquins, ils repoussèrent tous les assauts pendant dix jours. Mais abandonnés à la fin par la plupart de leurs alliés, ils ne purent résister à une attaque et succombèrent. L'un des quatre Français qui restaient encore avec quelques Hurons, lorsque l'ennemi pénétra dans l'intérieur du fort, voyant tout perdu, acheva à coup de hache ses compagnons blessés, pour les empêcher de tomber vivants entre les mains du vainqueur. » (Garneau, Histoire du Canada, cité par Marsile)

 

Les « quelques Hurons » sont massacrés et le Français qui avait survécu est emmené par les Iroquois qui comptent le supplicier. Le survivant a pour nom Lionel de Versile.  Pendant le voyage de retour des Iroquois vers Mille-Iles, toutes sortes de pensées hantent son esprit, à commencer par l’immolation qui l’attend. On apprend qu’il est originaire du sud de la France et son plus grand regret semble être de ne pas être devenu ce héros auquel il aspirait. 

 

C'est là que Lionel, par la croix abrité,

A tant de fois rêvé ses beaux rêves de gloire :

Des terres pour son roi, des âmes pour son Dieu 

Et pour lui même un nom illustre dans l'Histoire !

À ces rêves si chers, il lui faut dire adieu

 

Sur place, tous les préparatifs du supplice sont mis en place (les fers rouges, le bois pour l’immolation) et les réjouissances sont déjà commencées quand survient une jeune Iroquoise du nom de Liola. Elle est la fille du chef et d’une grande beauté. Elle est toute en larmes puisque son père n’est pas revenu du Long-Sault. Pourtant, c’est elle à son corps défendant qui sauve Lionel de la mort atroce qui l’attend:

 

Il est chez l'Iroquois de touchantes coutumes : 

Quand une femme perd le soutien de ses jours — 

Adoucissant espoir de tels amertumes ! — 

La veuve peut compter sur un autre secours. 

Le prisonnier devient membre de la famille. 

Il a, qui le croirait, droit aux noms les plus doux : 

Aux enfants c'est un père, et, pour la jeune fille — 

Doux rêve ! — ce sera, quelque jour, un époux ! 

 

Ce qui devait arriver arrive : les deux jeunes ennemis tombent amoureux, surtout après que Lionel ait sauvé Liola de la noyade : 

 

Son cœur dit : Lionel, c'est toi qui m'as sauvée ! 

O doux cri de l'amour ! ineffable transport ! 

Que tu sais murmurer de pures harmonies ! 

L'âme vibre, un instant, comme une lyre d'or : 

Est-ce un écho lointain des sphères infinies ? 

Maintenant tout renaît à l'espoir, à l'amour : 

La fleur après l'orage ainsi lève sa tête. 

Inoubliable nuit, plus belle que le jour. 

Tu prêtas ton éclat à l'immortelle fête ! 

 

Malheureusement leur bonheur sera de courte durée. Devant les chutes Niagara, vénérées par les Iroquois, le  jongleur a décidé qu’il fallait faire un grand sacrifice (la mort de Lionel et Liola) pour s’assurer que les Dieux soient de leur côté dans leurs futurs combats. Résignés, les deux jeunes amoureux acceptent leur sort, surtout que Lionel a réussi à convaincre Liola de la vie éternelle qui les attend si elle adopte sa religion : 

 

Je n'hésiterai plus : ton Dieu sera mon Dieu !

De mon âme, ta main lavera la souillure.

Avant que de mourir — ah ! je t'en fais l'aveu

A cette heure suprême — il faut que je devienne 

Par l'eau digne de toi, digne du Créateur.

C'en est fait, Lionel, tu me verras chrétienne,

Et nous ne ferons qu'un par l'esprit et le cœur !

 

Les deux glissent lentement dans les chutes Niagara, unis à jamais dans la foi chrétienne, presque heureux, car « la mort au bonheur les enfante ».

 

Vous l’aurez compris, Chateaubriand n’est pas loin. Et peut-être même le XVIIe siècle. Marsile offre une vision idyllique de la nature canadienne, à commencer par le fleuve Saint-Laurent (le Mississippi). Et le nœud de l’histoire est très romantique.

 

Bien entendu, si on lit ce récit avec les valeurs contemporaines, c’est inacceptable. Tout y passe : le Blanc vertueux et l’Autochtone cruel, l’Européen qui vient sortir l’Autochtone de son ignorance, qui lui offre la planche de salut de sa religion, de sa civilisation, etc. 

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