10 juin 2022

Kir-kouba. Incantations. Rivière aux mille détours

Robert Lalonde, Kir-kouba. Incantations. Rivière aux mille détours, Montréal, Éditions Atys, 1971, 82 p. (Le dessin de la couverture et les trois illustrations pour séparer les parties (?) du recueil sont anonymes. Sur trois d’entre elles est écrit le mot « silence »)

Déjà, le titre surprend. On suppose que c’est le nom autochtone d’une rivière. La lecture des titres des poèmes retient aussi l’attention. On va lire des odes, des ballades, des fables, des hommages (à Godin, Péloquin, Juan Garcia, Chamberland, Gauguet, Langevin, Claude Laurier, Gilbert Moore, Miron…) et même une vieille chanson folklorique (Piquette ne veut pas sortir du trou). 

Les premiers poèmes (des odes d’un lyrisme surprenant) nous plongent dans un mélange d’anciens procédés et de modernité : « Ô temps de baume, temps de baume / quel homme ici-bas / n’a pas sa part de tracas ? / séismes où il mesure les murs de sa masure / entre la vie et la mort à l’attente de l’azur cru / au barrage des brumes, mordante saison / quand vire le vent ». On reconnait la manière Lalonde avec les allitérations, les appositions et l’impression que certains vers en contiennent deux.

Pour Lalonde, l’explicite n’est pas nécessairement une obligation. Cependant, ici et là dans le recueil, on lit des poèmes sans fla-fla, comme dans les deux disposés à la verticale sur plus de trois pages repliées sur elles-mêmes : « Vents froids, vents chauds, vents des villes, vents des forêts / Vents de rêves blêmes d’hôpital / où le temps essaime / Vents des pommiers du printemps la laine / Vents d’hiver pinçant le jour vif du sang / du linge gelé sur la corde raide / Vents des mers où le marin nage pogné d’algues / Vents de terre battue des femmes nues de cœur ». Comme en fait foi cet extrait, la poésie de Lalonde est musicale, lyrique, incantatoire. Il utilise très souvent le procédé de l’anaphore, le retour d’un vers. Hors de tout doute, Lalonde aime les mots, les expressions du crue, les métaphores surprenantes.

Certains poèmes sont un feu roulant de mots, sans qu’un sens bien net émerge; la pensée vagabonde d’une isotopie à l’autre : « eau d’érable ou charmeur d’une terre à bois / si parfois le cœur s’égare par malentendus / dans un corbillard, l’escale de l’illimité / en ce jour d’érosion entre le rêve et la réalité ».

Pour ce qui est du sens, Lalonde célèbre les grandeurs et les misères de la vie, l’amour, le moment présent, les relations amoureuses, l’amitié, la poésie… mais aussi il relève les injustices, les espoirs brisés… avec une pensée bienveillante pour les laissés-pour-compte, les Métis. 

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