5 mars 2022

Chante-pleure. Poèmes sépara-tristes

Georges Dor, Chante-pleure. Poèmes sépara-tristes, Montréal, Atys, 1961, 51 p.

Dor commence par une lettre au lecteur qui donne le ton : 

« Monsieur, Madame,

Je tiens à vous faire savoir tout de suite que je n’ai pas de génie, même pas celui de me taire; je m’excuse sincèrement et vous prie de me croire,

Votre tout dévoué,

Georges Dor

 

N.B.—Les mots sont faits pour nommer, aussi, ai-je voulu nommer ma peine et celle de ma province. Voilà pourquoi j’ai écrit ce que j’appelle solennellement une “poésie appliquée”. »

Dor écrit une poésie engagée, ce qui est digne de mention en 1961. Plus simplement que Miron, il parle de la dépossession d’un peuple qui n’a pas su trouver son identité, de son aliénation, de ses rapports faussés aux autres, d’une perte de repère qui mine tout, y compris l’amour. 

Nous sommes tous 

Exilés 

Touristes 

Locataires

Dans notre propre maison

 

Il nous manque un mot de passe

Un mot de trop

Un seul mot

Pour tout faire sauter

Le mot cœur ou le mot fierté

Le mot vainqueur ou le mot liberté

 

La poésie de Dor est toute simple, écrite pour être lue ou récitée à voix haute.

Pourquoi sont-ils venus d’Irlande 

A St-Germain

Me plonger dans l’anonymat 

Au lieu de me laisser vivre 

Sans borne

 

Mon ancêtre Patrick

Pourquoi n’êtes-vous pas resté là-bas?

Ici je ne suis rien 

Même parmi les meilleurs 

J’ai une voiture allemande 

Un grille-pain américain 

Un complet d’Italie 

Des souliers pan-canadiens 

Un chandail d’Angleterre 

Une langue de France 

Qui me sert de temps en temps 

A parler du beau temps

 

Et mon fils s’amuse 

Avec des jouets Walt Disney 

Fabriqués au Japon

J’ai bien une cravate carrelée 

Du plus pur artisanat 

De chez-nous

Et un orme dans ma cour 

Qui porte l’inscription Western Realties…

 

Ma maison est à vendre

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