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23 juin 2016

Mon pays, mes amours

Alphonse Désilets,  Mon pays, mes amours, Québec, Chez l’auteur, 1913, 148 pages. (Préface d’Albert Ferland)

En 1913, de véritable poète du terroir, il n’y avait que Pamphile Lemay. Désilets lui dédie le premier poème du recueil. « J’ai fait le rêve ardent de vivre de ta vie, / Vieux maître vénéré qui m’a fait goûter mieux / L’idéal splendeur de la langue des Dieux : / Tu m’auras dit la route et je l’aurai suivie. » Albert Ferland, dans sa préface, souligne fortement le lien entre le patriotisme et le terroir, divisions scolaires bien peu étanches tout compte fait. « Poètes de la Laurentie, mettez-vous en contact avec la bonne terre et chantez! Hâtez-vous de cueillir la fleur du Terroir. Ma foi, mes héros, mes légendes, mon sol jeune et fort, pour vous, poètes, quelle forêt de vierge poésie! ».

Le recueil compte trois parties.

Âmes et choses de chez nous
Les poèmes, de forme classique (beaucoup de sonnets), ont pour sujets, la terre, le pain, les Bois-Francs, les devoir du poète, la maison abandonnée, le vieux banc, la dévotion aux morts, la beauté de l’hiver, les joies du temps des fêtes, le retour du printemps, le temps des sucres, la légende des cloches, un appel aux déserteurs. « Tout ce qui fait enfin ta force et ton orgueil, / Ton credo, ton pays, ta langue maternelle, […] / Revivra dans ta race à la sève éternelle » (La Laurentie)

Nos douleurs et nos joies
La joie est plutôt rare et de nature religieuse. « Religion du Christ, venue au nom du Père / Pour adoucir nos pleurs… » La joie, c’est celle des « élus » en face de Dieu, « l’Aliment des élus ». Si la joie n’est pas de ce monde, la douleur y est bien présente. Ce sont surtout les faibles, les gueux, les pauvres, les vieux qui la vivent. La douleur, il faut l’accueillir avec résignation : « Je ne lèverai point, ô sublime douleur, / Contre ton saint fantôme une main qui repousse; / Je te laisserai faire et tu me seras douce / Bien que je sente un peu l’effroi prendre mon cœur. »

Amours chantés
Cette partie, consacrée à l’amour, commence (Le baiser des saints) et se termine par un poème d’inspiration religieuse (Stella matutina). Heureusement une femme finit par apparaitre dans le décor. On a droit aux étapes habituels du cheminement amoureux : la femme rêvée, la rencontre (« Elle est bonne, elle est belle, elle est douce, elle est femme! »), les promesses (« Quand vous aurez vu ma maison / Vous saurez combien je vous aime; / Elle sera pour vous l’emblème / De la plus douce affection. »), l’abandon (« Elle m’avait paru sincère / Et je l’aimais comme une sœur / Hélas! elle a trompé mon cœur, / Cette hirondelle passagère! »)

Recueil dont le plus grand mérite, c’est d’être paru avant beaucoup d’autres qui vont reprendre les mêmes thèmes. Toujours en 1913, Blanche Beauregard va publier ses Visions gaspésiennes.

Nos Bois-Francs
Au barde d’Arthabaska,
M. Adolphe Poisson

Ils ont gardé l’aspect rustique des vieux âges,
Les monts et les forêts du cher petit pays :
La source chante encor dans l’ombre des taillis
Où s’embusquaient jadis les grands guerriers sauvages.

Nous avons conservé l’amour des vieux adages,
Des naïves chansons et des « patois » vieillis.
Notre foi vive est comme un levain de maïs
Transmis de père en fils avec les héritages.

Nos vieux parlent souvent de ces premiers colons
Au geste fier et doux, dont l’histoire et les noms
Sont écrits pour jamais au fond de leur mémoire.

Et peut-être qu’un jour quelque barde pieux
Au souvenir ému des robustes aïeux
Chantera leurs travaux dans un hymne de gloire !

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