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24 janvier 2013

Ombres et Clameurs


Claude-Henri Grignon, Ombres et Clameurs, Montréal, Albert Lévesque, 1933, 204 pages.

Avant qu’un Homme et son péché le rende célèbre, Claude-Henri Grignon fut journaliste et critique littéraire. Dans Ombres et Clameurs, il nous présente une critique de neuf auteurs parmi ses contemporains : Marie Lefranc, Albert Pelletier, Jules Fournier, Lionel Groulx, Alfred Desrochers, Germain Beaulieu, Lionel Léveillé, Lucien Rainier et Harry Bernard.
 
Grignon a la réputation d’avoir été un critique féroce. Certaines de ses attaques sont restées célèbres : on pense à celles contre Nelligan et Saint-Denys Garneau. Je ne ferai pas une présentation exhaustive de ce livre. Je vais me contenter du chapitre qu’il consacre au recueil Avec ma vie de Lucien Rainier.

Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant de recueillir ce qu’il dit de Rainier que de cerner un peu sa méthode. De ce point de vue, il est très traditionnel.
  1. Il commence par situer l’auteur : Rainier n’est pas un poète patriotique ou du terroir, mais un poète de l’âme.
  2. Il recherche ses influences : Verlaine, Jammes, Banville. 
  3. Il relève un certain nombre de thèmes : l’âme, la nature, la religion.
  4. Il essaie de préciser à quoi tient son admiration pour Rainier : « Qu’est-ce qui nous enchante dans ces poèmes si ce n’est le sentiment d’une rare délicatesse et d’un goût exquis? » Comme on le voit, la critique s’avère très impressionniste.
  5. Il relève trois défauts : l’expression est parfois « molle et imprécise » et il donne des exemples; on trouve au moins un poème digne d’une « enfant de Marie »; enfin, quand il lui arrive de s’essayer au poème patriotique, cela ne lui convient pas.
  6. Il termine par un jugement d’ensemble : il a beaucoup aimé le recueil de Rainier.
Et les méchancetés? On trouve ici et là du sarcasme contre le patriotisme grandiloquent et le terroir rabâché. À ce propos, il y a ce petit passage féroce contre deux auteurs du terroir : « Je profite de cette pièce, Moisson d'orge [il y a 2 ou 3 poèmes du terroir chez Rainier], et je crie à tous nos férus du terroir que pour réussir la vraie poésie de la terre, que pour donner une impression vivante que le pain est sacré, qu'il est la raison d'être du sol canadien-français, il ne s'agit pas tant d'aimer les choses de chez nous (comme le veut tel critique qui tombe d'admiration en face d'un poteau de clôture coiffé d'une chaudière à "lait"), ou de tout idéaliser bêtement à la façon de Blanche Lamontagne ou de Desilets, qui, à lui tout seul, a décrit les plus beaux labours en chocolat que le soc d'un faux patriotisme ait encore tracés ; non, mais de dire simplement les choses de la terre qui chantent assez par elles-mêmes, de tirer d'une observation permanente, aussi ancrée que l'atavisme, une émotion véritable d'où coule, abondante et fraîche, la poésie du sol. » (p. 167-168)

Ce que je retiens surtout de ce livre, c’est l’écriture très travaillée de Grignon. 

Claude-Henri Grignon sur Laurentiana
Le Déserteur
Un homme et son péché (édition originale)
Un homme et son péché (édition du Vieux Chêne)
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