Michel Garneau, Élégie au génocide des nasopodes, Montréal, VLB, 1979, 63 pages. Illustrations de Maureen Maxwell (1ère édition : éditions de l'Aurore, 1974)
Je n’ai jamais vu l’original, mais je suppose que ce doit être un très beau livre, car celui « grand public » de 1979 l’est aussi. Les illustrations de Maureen Maxwell sont magnifiques; le papier et la dimension du livre le servent bien aussi.
Résume-t-on un tel livre? Est-ce même possible? Voici le début :
« en ces temps d’écologie, il faut le dire. / dans les années mil huit cent cinquante, le professeur harrald stumke / découvrit une île peuplée uniquement d'une grande et merveilleuse famille d’animaux, / les nasopodes ou rhinogrades.
cette famille, inconnue, parce que inexistante, dans le reste du monde, put être observée pendant quelques années.
le professeur nomma ces créatures nasopodes ou rhinogrades afin de faire savoir à tous qu’étonnamment ces merveilleux animaux marchaient tous sur leurs nez. »
Garneau a donné une entrevue à Martial Dasylva, « Déguiser des poèmes en pièces de théâtre » dans La Presse 26 avril 1980 p. 1 et 6.
« C'est l'affaire la moins préméditée que j'ai faite, dans ma vie, les Nasopodes. Mon ami Serge Deyglun m'avait passé un livre qui est un canular, publié par de jeunes savants français, un livre qui avait toutes les apparences d'un livre scientifique sur les Nasopodes ou les rhinogrades, qui ont cette particularité de marcher sur leur nez.
« C'est un très beau canular, extrêmement bien fait, avec des gravures, des statistiques, la nomenclature latine, tout ça. C'est très rare comme livre.
« Un beau jour, je téléphone à Serge pour lui demander s'il allait être chez lui le lendemain après-midi afin que je lui rapporte son livre.
« Le lendemain matin, en prenant mon café, je m'étais dit: « Je vais lui écrire un petit mot de remerciement ». J'ai écrit les Nasopodes. Sans aucune préméditation. J'ai commencé et ça s'est vraiment tout enchaîné dans la matinée. Je pense que par après j'ai changé trois mots ou vérifié l'orthographe de quelques expressions. C'est tout.
« C’est un texte absolument pas prémédité. C'est le lyrisme matinal qui m'a pogné. Dans mes affaires à moi, c'est très rare que ça fonctionne comme ça. »
« C'est un texte extrêmement délirant qui raconte en fait la réaction de beaucoup d'animaux de la terre à leur prise de connaissance, instinctive bien sûr, du fait que la race des Nasopodes est disparue à cause d'un geste malencontreux des humains. Alors tous les animaux de la terre, sentant la disparition d'une race entière d'animaux merveilleux manifestent leur désarroi, leur désespoir. »
« C'est aussi une espèce de délire stylistique. C'est écrit dans une langue très baroque. Ça, c'est juste le fun qui m'a poigné en écrivant. Et puis je pense que c'est spectaculaire, d'une certaine façon. En soi c'est un texte-spectacle, surtout pour ceux qui ont de l'imagination. »
Le texte a été joué sur scène. Sur la BAnQ, on trouve une photocopie du programme :
« Tout à la fois magique, fabuleux, burlesque, fantastique, éclatant comme un rot biblique, époustouflant comme une partie de fesses, quotidien comme une goutte de sueur qui suit lentement son cours de la gorge au nombril de l'aimée, shakespearien à la façon du Songe d'une nuit d'été, poilu comme un fauve en rut, tendre comme un sourire énigmatique, NASOPODES ET AUTRES BETES MERVEILLEUSES ne se veut rien de plus que l'évocation de cet instant unique que tous les amants du monde reconnaîtront: quand l'ombre tamisé du silence se remplit tout à coup du doux gémissement de toutes les bêtes de la création qui rendent hommage au Dieu Pan en même temps. » Nasapodes et autres bêtes merveilleuses, un bestiaire fabuleux de Michel Garneau, mise-en-scène, Roger Blay, Montréal, Théâtre d'aujourd'hui,1980, Programmes de spectacles,1 feuille pliée.