Yves Préfontaine, Boréal, Montréal, Éditions d’Orphée, 1957, 109 pages.
En 1957, Yves préfontaine (1937-2019) a publié deux recueils de poésie : Les temples effondrés et Boréal. Les deux voguent dans les mêmes eaux.
« Tous les poèmes compris dans ce recueil s’échelonnent sur une période allant de 1954 à 1955, les premiers étant “La Cloison” et “Monologue de celui qui porta les derniers pas au bout de la Route”, les plus récents étant “Boréal” et “Les Assoiffés du Chiffre noir”. “Rivage”, “Mirage”, “Écueil” et “Naufrage” furent écrits à Trois-Pistoles et au phare de l’Isle-Verte. »
Déjà les sous-titres des nombreuses parties du recueil donnent une idée de la noirceur qui le traverse : « Boréal, Paysage cauchemar I, Paysage cauchemar II, Paysage cauchemar III, Pas dans le brouillard, Mirage, Naufrage, Cataracte du vide, Monologue, Rivage, La cloison, Écueil, L’instant qui marche, Les assoiffés du chiffre noir. »
Le début du recueil offre aussi un bon aperçu de la débauche verbale qui est la sienne : « Les volutes lointaines d’acier fluorescent tournoyent du fond des steppes hurlantes — // Boréal. // Tes arbres blêmes d’un froid planétaire poursuivent à grands siècles le silence d’une lumière close au souffle acide des mers figées, le silence des neiges aux épousailles sèches de vide. »
Préfontaine décrit un monde où tout est dévasté comme si une guerre ou un désastre planétaire avait tout rasé : « Il fait une atmosphère vaste de vents chantant dans les cils. Il fait un siècle d’arbres foudroyés et de paysages dévastés. Des mers de sang sous des soleils pâles grondent d’un éclat métallique sur les plages pourpres et visqueuses où courent de minces végétaux versicolores. »
Un homme erre dans ces ruines à la recherche de quelque « plénitude ». Il ne rencontre que solitude, sentiment d’étouffement, visions macabres, monde sans amour et sans Dieu, peuple de fantômes, univers glacial, brûlé, boueux. Au bout de la route, il est un gouffre et ses « miasmes enivrants et pernicieux » : « je pourrai plonger dans les délices effrayants de l’abîme, et laisser les ronces au monstre dont le monstre me souffle l’épaule ». Et le marcheur choisit de s’y jeter : « Alors surgissait l’ivresse de la chute. Tout mon être devenait vertige et tourbillon. Je roulais vers des vides immenses, vers d’épouvantables cultes. » Le recueil (ou la chute) se termine ainsi : « Le Chiffre noir et sacral aspirera l’urne gorgée de nos sangs en glaives de patience. » Où sommes-nous rendus ? Que symbolise ce « Chiffre noir »?
Cette vision catastrophée du monde nous rappelle P.-M. Lapointe et Gauvreau. Ce serait tentant d’y voir une allégorie de la « grande noirceur », mais aucun lien concret nous y conduit.
Une nouvelle édition, corrigée par l'auteur et comprenant un poème inédit, a été publiée aux éditions de l’Estérel en 1967.
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