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11 mai 2018

Le Ciel fermé

Claude Fournier, Le Ciel fermé, Montréal, L’Hexagone, 1956, s.p.  [44 p.] (Coll. Les matinaux, no 5) (Couverture de Gilles Carle)

Un an après avoir publié Les armes à faim, Claude Fournier publie Le ciel fermé dans la collection des « Matinaux ». Ce recueil se distingue des autres « matinaux » puisqu’il est constitué de « proses poétiques ». Il contient deux parties : Les meurtres à venir et Espace de l’homme.

Les meurtres à venir
À lire cette prose poétique, fort bien écrite, mais d’une telle violence, on pourrait penser que le sujet narrateur évoque des souvenirs de guerre. Rien ne nous permettant une telle interprétation, il faut considérer que le champ de bataille qu’il décrit n’est rien d’autre que celui de la vie, que celui de sa vie.  « Le monde que j’habite est rempli de terreur et je voudrais m’y voir seul engagé. » Le sujet porte en lui une grande souffrance, victime de forces maléfiques qu’il n’est pas facile d’identifier : « Dans la salle encombrée de mon cœur, j’entends les chiens se disputer mes os, avec des grognements d’enfer. » Il a décidé que tout cela avait assez duré, qu’il est temps de réagir avec force : « Je n’empêcherai pas en moi la folie grandissante qui forge les armes de meurtre à venir. » L’auteur passe ensuite au « nous », comme si cette lutte n’était pas que la sienne : « Nous aurions voulu parler, mais les mots s’agglutinaient en pâtes arrondies, roulaient sourdement dans la gorge. Un monde progressait lui aussi, comme nous, gagnant pas à pas, sans douleur, l’immense terrain perdu par les hommes de tous les siècles. » Pourtant, malgré les avancées, il finit par conclure que ce combat est inutile : « Au moment où tu liras ces lignes, j’aurai quitté le pays emportant le poids de ma carte d’assassin. / Surtout, ne t’inquiète pas à mon sujet. Je n’ai plus le courage d’apprendre à mes armes une vocation qui, je le sens maintenant, serait malgré toute sa splendeur demeurée inutile. »

Espace de l’homme
Sur le même ton que dans la partie précédente, l’auteur évoque la misère des villes. « Ici, voilà un monde de solitude » […] Il a suffi des hommes qui peinent et gardent sous leurs bras, nauséabond, le colis d’une journée […] Les pourris dans le cercueil-cité. Les malades et les déments. Les ivrognes pour lesquels on boit trois messes de Noël. […] Les désespoirs des filles qui regardent en criant leurs enfants au bout d’une tige d’acier. » Plus loin on lit encore : « Au sifflet strident des usines, les rêves s’écrasent percés de bruit. » L’auteur n’est pas tendre envers la religion : « Tu demandes pourquoi il faut tuer? S’arracher à la folie du ciel ? Traîner Dieu par les cheveux dans ses chemins de Damas. Et boire. Le vomir en buvant avec le désespoir ; lui raconter des histoires de crucifié, des histoires à boire! » Ce monde cruel, celui des laissés-pour-compte et des ouvriers, c’est ironiquement l’ « espace de l’homme » du titre.

Ce recueil détonne quand même dans la production des années 50 de l’Hexagone. Par le ton rageur, on est plus près de Gauvreau que de Miron. On y trouve la colère, le désespoir social, la violence verbale et le désir d’en découdre avec tous les pouvoirs, valeurs qui vont davantage trouver preneurs dans les quelques années qui vont suivre. 

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