Alain Marceau, À la pointe des
yeux, Montréal, L’Hexagone, 1958, 30 p. (Coll. Les matinaux, no
9) (Couverture rempliée illustrée par Gilles Carle.)
En épilogue, le poète écrit :
« Il y a tant et tant / de noir / à voir / à percer / pour trouver ceux
qu’on aime. » La poésie de Marceau, c’est celle d’une quête. Quête de
l’autre mais peut-être plus encore, quête
de soi.
Au départ, le sujet aux prises avec
ses fantômes semble avoir de la difficulté à sortir de la « nuit noire » pour s’élancer dans le jour naissant : « Je
regarde mes doigts / tracer des lignes / de destin / sur l’horizon penché du
matin ». Il y a ce désir de se régénérer : « je vais laver mon
corps / dans l’eau gardée au creux des feuilles / comme en des mains / et tous
les miroirs / et tous les ruisseaux vont me trouver beau ».
Sa quête ne saurait se contenter
de faux fuyants. « Chacun habite mon visage / et je me perds dans ma
maison ». Il tente d’atteindre l’autre, mais ses tentatives semblent peu
fructueuses : « Je saisis ton visage / mirage taché de sommeil // Tu
n’es plus // … / Je n’ai que moi / avec mes mains qui sculptent le soleil / ma
tête centrifuge / et vidé de moi-même ». Pourtant l’autre semble la
voix royale pour retrouver l’harmonie : « Je ne demande rien /
que la joie d’être près de toi / et ta main / refermée sur ma voix ».
La route qui mène à l’apaisement semble
faite de courtes victoires et de cruelles rechutes. « Oh ma tête éclatée /
Quels marteaux me sculptent le crâne / et me décervellent ». Dans le poème,
peut-être le plus marquant du recueil, le sujet se décrit comme un noyé
toujours au bord du gouffre : « À quoi rêvent les noyés / leurs
grands yeux bien ouverts / sur la nuit verte et verticale / de toutes les mers ». La réponse se trouve dans les deux derniers vers : « … ils se retrouvent
sur eux-mêmes / toujours seuls et pareils ». On pourrait penser que la
quête s’avère inutile, mais c’est sans compter sur le court poème en
épilogue : « J’ouvre mon œil / plus grand que les croisées / et j’avale
d’un coup / tout l’air frais / qui me croise le cœur / Et mes bras se
débranchent / du chambranle des portes. »
Cette poésie, encore une fois, appartient de plain-pied aux années 50 : la solitude, le repli sur soi, l'incommunicabilité des êtres, la difficulté d'exister, les interrogations existentielles.
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