Alphonse Loiselle, Le pont rouge, Montréal, Édouard Garand, 1930, 46 pages (+ supplément La vie canadienne p. 47-64), (Collection Le roman canadien, no 69) (Illustrations d'Albert Fournier)
Léandre Saint-Cyr achève ses études classiques et se dirige vers la prêtrise. Pourquoi? Il ne saurait le dire. Ses parents se sont privés pour le faire instruire et il est entendu depuis toujours qu'il fera un prêtre. Durant une vacance d'été, il rencontre Roxane Dumontois, une jeune fille de « bonne famille » dont il tombe amoureux. Vocation oblige, il s'en éloigne, rencontre Gisèle, une fille dévoyée (selon l'auteur), qui l'initie à la vie mondaine. Le temps venu, il refuse de rentrer chez les prêtres, incapable de renoncer à Roxane qu'il épouse. Roxane meurt au bout d'un an. Il perd aussi ses parents et son emploi de commis de bureau quelque temps plus tard. Il sombre dans le désespoir, flirtant même avec le suicide. Il déménage à Detroit, espérant tout recommencer, vivant de petits travaux et fréquentant les milieux louches, s’enfonçant dans le désespoir. Gisèle, guérie de la vie mondaine, devenue épouse et veuve aussi, vient le rejoindre. Elle lui offre de l'épouser. Il tergiverse entre l'attrait qu'il éprouve pour elle, sa culpabilité d'avoir abandonné la prêtrise et la promesse faite à Roxane de ne jamais se remarier. Il s'acoquine avec un passeur de contrebande pour sortir de la misère. Au cours d'une mission il est tué accidentellement par son comparse.
Je suis bien obligé de le dire, Le pont rouge n’est pas un bon roman. C'est un mélo pleurnichard et l'indécision chronique du héros, ses tergiversations sibyllines concernant sa vocation nous lassent assez vite. La vie du héros qui devient désastreuse après qu'il a renoncé à sa vocation, c’est un peu facile. Même la morale qui s'en dégage (L'amour est plus fort que la religion) ne nous convainc pas, tant s'y mêlent la culpabilité et les regrets. L'action est réduite au minimum et nous avons droit à des analyses intérieures qui tournent en rond. Dans les dialogues, les personnages « parlent comme des livres », monologuent comme des prédicateurs. Et comme d'habitude, la ville monstrueuse et les femmes viennent détourner les jeunes gens de leur sacerdoce.
Extraits
« Une femme t’a barré la route. Elle s’est interposée entre toi et Dieu. Tu l’aimais cette femme, dis-tu, mais sache bien que toute femme s’aime d’abord avant d’aimer un autre. Sache aussi que ton corps, par qui tu as été entraîné à cette désertion, parce que tu as eu peur des sacrifices, n’est qu’une infime chose en comparaison de l’âme, qui seule est immortelle ! »
« L’âge, la douleur, l’expérience, la vie maritale, l’avaient embellie sans doute car elle s’était départie peu à peu, de tous ses attributs physiques et moraux, qui donnent un air masculin à beaucoup de jeunes filles, aux manières dégagées et à la désinvolture marquée. »
« Elles [les villes] façonnent les êtres à leur image. Elles en font des amis du bruit, de la vitesse, du plaisir; êtres incohérents, qui ne peuvent s’arrêter aux graves pensées; êtres perplexes, changeants, qui sont à l’affût de nouvelles sensationnelles, de rumeurs, de mondanités; êtres superficiels, qui s’attachent aux choses éphémères, qui courent aux plaisirs, à la mort, brûlant les étapes, ruinant leur santé, leur vie, leur corps; êtres fragiles qui succombent sous le poids des charges humaines; êtres complexes, qui raccourcissent leurs jours en prolongeant leurs nuits. »
« Combien j’ai été malheureux sur cette terre que je quitte sans aucun regret. La miséricorde de Dieu est infinie. Je suis quitte avec Lui. J’ai payé ma dette, Jean, et je retourne vers mon Créateur, l’âme soulagée.
Si j’avais obéi à Ses ordres, si j’avais écouté Sa voix, j’aurais évité toutes ces infortunes. J’ai manqué à l’appel, le sort s’est acharné sur moi.
Si jamais tu rencontres des âmes semblables à la mienne, errantes dans la vie, songe alors qu’ils ont résisté à un appel de la Providence, plains-les, comme j’ai mérité de l’être. Ma mort effacera mes fautes.
Ô mort libératrice ! je t’implore maintenant comme un baume à mes souffrances. Je remercie Dieu de la terrible leçon qu’il m’a donnée. »
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