LIVRES À VENDRE

2 novembre 2021

Le diable par la queue

Jean Pellerin, Le diable par la queue, Montréal, Cercle du livre de France, 1957, 253 pages. 

Basile et Amélie tirent le diable par la queue. Malgré toute sa bonne volonté, Basile n’arrive pas à trouver du travail. Ils habitent Montréal et ils ont deux adolescents : Picot (Maxime) et Anne.  Une cousine et son mari irlandais de New York les enjoignent de venir les retrouver, les assurant d’un travail stable. Pendant quelques mois, tout se passe plutôt bien, Basile travaillant dans une aciérie. Mais bientôt la compagnie n’offre plus que des demi-semaines, pour finalement interrompre ses activités. Basile et sa famille n’ont pas le choix : ils doivent marcher sur leur orgueil et fréquenter L’Armée de salut pour obtenir des denrées et des vêtements, tout compte fait pour survivre. Le loyer et les dettes s’accumulent. Lorsque les cousins américains leur proposent de les accompagner au Canada pour le temps des Fêtes, ils décident tout simplement de plier bagage et de rentrer au pays.

 

Pellerin (1917-2001) trace un tableau très sombre de la condition ouvrière dans les grandes villes. Montréal ou New York, c’est blanc bonnet et bonnet blanc. On pense à Bonheur d’occasion bien que la vision de Pellerin n’ait pas l’amplitude de celle de Gabrielle Roy. Il colle aux événements, parfois assez banals. Le roman a souvent les allures d’une chronique, le style est plutôt journalistique. Pellerin décrit New York de l’extérieur, s’attachant aux lieux connus. Certains épisodes ont peu à voir avec l’intrigue principale. Bref, c’est un roman socialement sensible, écrit correctement, mais sans grands éclats. 

 

Lire sur Jean Pellerin

Lire le roman

Le roman a connu une seconde édition en livre de poche (1970)

 

Extrait 

— Ouais, ben, je viens d’apprendre quelque chose, dit Basile en enlevant son veston. Il paraît que la Salvation distribue des provisions.

— Salvation ?

— Ça s’appelle, en français, l’Armée du Salut. Des individus attifés comme des corbeaux et qui sonnent une cloche au coin des rues pour demander la charité. Il paraît que ces gens-là donnent, comme ça, aux quêteux, sans poser de question. Pas un chat pour nous reconnaître là-dedans !

— Ça veut dire ?

— Diable ! Ça veut dire : aussi bien en profiter !

La femme veut protester.

— Faut pas faire les becs fins, observe Basile. On est pas haut montés, tu le sais.

— Tout de même.

L’homme s’enflamme.

— Penses-y ! Le compte d’épicerie qui monte que c’en est effrayant ; pas une sacrée cenne qui nous adore ; deux mois de loyer en retard : c’est rougeaud ?

— Je sais, je sais, soupire Amélie. C’est pas réjouissant.

— Alors ?

— Alors quoi ? Va pour l'Armée du Salut, si tu penses...

Basile en a le souffle coupé. Il s’attendait à plus de chichi. Pris au dépourvu, il cherche une issue.

— Écoute donc, Picot, dit-il, tu n’irais pas voir, toi...

Le garçonnet voudrait protester, trouver un prétexte.

— Euh... vous savez, c’est pas mal loin !

— J’irais bien moi, mais tu comprends, mon anglais...

(pages 161-162)

Aucun commentaire:

Publier un commentaire