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22 mars 2019

Marie-Anna, la Canadienne

Floris Bluther (Fernand Baboulène), Marie-Anna, la Canadienne,  Québec,  s.n., 1913, 326 pages.
Jacques de Villodin, accompagné d’un ami, vient d’arriver à Saint-Jacques-de-Grandes-Piles, après trois années de vagabondages de par le monde. Villodin appartient à la noblesse française.  Par hasard, il rencontre Marie-Anna  et il en tombe follement amoureux. Dandy, élégant, beau-parleur, il lui fait la cour; elle résiste quelque temps avant de se rendre compte qu’elle est aussi amoureuse. Demandé d’urgence en France, Jacques doit la quitter, lui promettant  de revenir bien vite. Mais les parents de Villodin voient d’un mauvais œil cette  liaison et s’opposent à son retour au Canada. En plus, la mère de Marie-Anna, veuve, demande à sa fille de rester près d’elle, ce qui augure mal pour l’avenir de nos deux amoureux. 
Marie-Anna, à l’aide de prières quotidiennes, réussit à effacer tant bien que mal  le souvenir de son amoureux qui tarde à revenir. Elle se rapproche de son ami médecin, Henri, ce dernier étant amoureux d’elle depuis sa plus tendre enfance. Sentant au ton de ses lettres que Marie-Anna, est en train de lui échapper, Villodin, sans la permission de son père, revient au Canada.  Furieux de constater la présence d’Henri auprès d’elle, il le provoque en duel, ce que refuse Henri.
Dans une finale dramatique, Villodin sauve Marie-Anna d’une mort certaine, mais manque d’y laisser sa vie. Devinez qui va le soigner? Le docteur Henri, bien entendu. Villodin finit par se raisonner et retourne  en France. Qu’arrivera-t-il de Marie-Anna, qui n’a toujours aimé qu’un homme, Jacques de Villodin? On l’ignore mais tout laisse croire que, par amour filial, elle va rester auprès de sa mère et épouser le docteur.
Triangle amoureux, obstacle des classes sociales (en plus de la distance), dilemme entre l’amour et l’obéissance aux parents, demoiselles plutôt passives, jeunes hommes conquérants, jalousie, esprit chevaleresque, mourir d’amour, langage amoureux, bref tous les motifs du roman sentimental se retrouvent dans ce roman, par ailleurs bien écrit. 
Fernand Baboulène est arrivé au Canada en 1908. Il a travaillé comme peintre d’église, si je me fie à un article publié dans La Presse (18 juillet 1908). Il quitte le Canada en 1914 et ses amis canadiens perdent toutes traces de lui. Mort à la guerre?
Selon Monique Genuist : « Fernand Baboulène, l'auteur, est un jeune immigrant français qui s'est lié d'amitié avec la famille du docteur Émery Gervais, de Trois-Rivières. L'hospitalité de la famille trifluvienne donne bientôt naissance à l'amour entre le jeune Français et Marie-Berthe Gervais. » (DOLQ)

Extrait (Les adieux de Jacques et Marie-Anna)
Les témoins de cette scène s’étaient reculés au fond de la pièce pour les laisser une dernière fois l’un à l’autre.
Il parla à son oreille, de sa voix affaiblie, voix grêle d’enfant ou de vieillard :
— Je sais, ma Mia-Na, que tu as prié Dieu pour qu’il me conserve la vie. Chère petite aimée ! Que m’importe de vivre à-présent que j’ai mis dans ton cœur l’immortalité de mon souvenir. Laisse-moi partir, va… ne me retiens pas par tes prières. Tu vivras longtemps encore heureuse quand je ne serai plus là, car mon âme restera près de toi comme un essaim de baisers, une chanson de caresses qui bourdonneront chaque nuit autour de ton grand cœur affectueux. Si je le pouvais, ô Mia-Na, je t’emporterais dans mes bras vers ce séjour inconnu où s’entrevoient les pures félicités d’une vie éternelle et bienheureuse. Mais Dieu ne le veut pas, mon amie ; il veut que tu demeures, que tu répandes sur ceux qui te chérissent les trésors de bonté qui sont en toi. Ne prie plus pour que je vive, Mia-Na car je ne saurais vivre heureux sans te voir, te parler, t’entendre et ce bonheur ne me serait donné qu’au prix des larmes et du sacrifice de ceux qui t’entourent…
Silencieusement, Marie-Anna pleurait. Il continua :
— Écoute-moi encore, ma Mia-Na. Je vais partir, retourner en France… Promets-moi de ne pas m’oublier.
— Oh ! fit Marie-Anna d’une voix brisée. La pauvre enfant ne put répondre autre chose ; les sanglots gonflaient sa gorge. Madame Carlier vint la relever et l’entraîna doucement. (p. 298-299)

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