Berthe Hamelin-Rousseau, Quand reviennent les outardes, Montréal, Beauchemin, 1956, 176 p.
1re partie
L'action se déroule dans un village fictif de l'Ile d'Orléans. Ève et Alain s’aiment depuis leur plus tendre enfance. Elle est la fille d’un avocat, descendant de l’ancien seigneur de l’Ile, et il est le fils d’un juge. Ils se voient surtout pendant les vacances d’été, car ils étudient en ville. Leur amour survit à l’adolescence. Jeunes adultes, ils projettent de se marier, quand Alain est tué dans un accident de voiture.
2e partie
Seize mois ont passé. Poussée par un père pressé d’avoir un descendant, Ève épouse Jean de Courval, un chef d'entreprise de quelques années plus âgé qu’elle. Jean se rend bien compte que sa femme est ailleurs, qu’elle est dépressive.
Les Allemands ont envahi la Belgique, là où habite la sœur d’Ève. Quand le pays est libéré, Ève vole au secours de sa soeur et de son mari. Sa sœur meurt quand même. Ève revient de cette nouvelle épreuve plus forte. Elle retrouve Jean. Ils ont un enfant, puis un deuxième. Jean meurt subitement. Ève, ayant trouvé un courage et une expertise qu’on ne lui connaissait pas, reprend l’usine en main. Même si les outardes reviennent chaque automne, elle sent qu’une menace continue de planer sur le monde.
Le roman manque de fini. On saute d’un épisode à l’autre sans transition. Même si l’auteure essaie de lier le mélodrame à des éléments historiques, rien n’y fait. Tout cela a l’air chiqué. On ne croit pas aux personnages. Même l’écriture est déficiente : « Quoiqu’encore enrobé dans l’esclavage de l’enfance, son être s’arrondissait en personnalité. »; « Les prunelles d’Ève, d’une naïveté transparente et limpide flambaient, mais sa colère tomba comme un manteau encombrant. »
Extrait
Il fallait s’initier à cette tâche de l’industrie, se familiariser avec l’engrenage administratif. Ève étudia l'action des cylindres, bobineuses, filigraneuses, laminoirs, et s'enquit des procédés de blanchiment, effilochage, raffinage, coloration; enfin de l'apprêtage des pâtes et du papier.
Sur des cartes géographiques, elle étudia l'extension possible des marchés, établit de nouveaux contacts, se disant que dans ce genre d'affaires, si l'on n'avance pas on recule. Faire mieux et davantage, toujours mieux, toujours davantage!
Le soir, elle revenait fatiguée, mais heureuse. Ce n'était plus la douce paix de jadis, lorsque tendrement elle appuyait sa tête sur l'épaule de Jean, lorsqu'elle n'avait qu'à nager dans l'aisance et le bonheur, mais une grande paix, une sorte de contentement perpétuel la possédait. Ève se félicitait de cette entente avec la vie qu'elle se faisait un point d'honneur de respecter. À l'usine, tout le long du jour elle entendait les gazouillis de ses fils, vaguement, distraitement, comme de loin l'on entend le murmure de la mer.
Pourtant, c'était le printemps! Le printemps? Quelle risée! Pour elle, c'était le perpétuel automne que seuls deux sourires naissants égayaient. Des nuages d'azur chantaient cependant la joie de vivre, tout reverdissait : le soleil avait repris ses grands éclats de rire, les petits coteaux faisaient des coquetteries, les ruisseaux, débarrassés de leur gangue, couraient à travers les prés, les crapauds sortaient de l'herbe en secouant leurs pattes ridées, près des clôtures les vaches attendaient la traite journalière. Les charrues éveillées demandaient l'attelage et le cheval au museau fumant. Les dindons faisaient des glouglous joyeux accompagnés de petits coups de tête qui saluaient le soleil. Tout parlait de vaillance, de courage, d'entente et d'harmonie.
Poussée par cet engrenage des saisons, Ève connut une exaltation nouvelle. Elle vit l'avenir de ses fils monter avec la fumée des cheminées. Aux heures inévitables d'abattement, stoïque, elle fixait l'horizon. (pages 165-167)