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18 mars 2011

Quelques critiques sur Angéline de Montbrun

« On dit que les femmes raisonnent moins avec leur tête qu'avec leur cœur : s'il en est ainsi de Laure Conan, elle raisonne mieux avec son cœur que bien des hommes avec leur tête.
C'est une nature éminemment poétique, mais non moins éminemment pratique : une merveilleuse harmonie de l'imagination et du bon sens, du sentiment et de la raison. Quand même elle ne dirait pas qu'elle a souffert, son livre nous le révèle. Elle a passé à travers les ronces do la vie, et a senti, c'est elle-même qui le dit, combien le cœur est lourd à porter quand il est vide. Ce qu'elle sait de la vie, elle l'a appris à l'école de l’épreuve. Il y a des larmes sur les ailes de ce papillon. » (L’abbé Casgrain dans la préface du roman)

« Le premier personnage de roman né au Canada français s'appelle Angéline de Montbrun; et il est l'œuvre d'une femme. Une femme timide, discrète, tourmentée, qui cachait son vrai nom (Félicité Angers) sous le pseudonyme de Laure Conan, et qui passa presque toute sa vie loin des cercles littéraires de Montréal et de Québec, dans la maison paternelle du petit village de La Malbaie. « Cette noble jeune fille, lisons-nous dans Angéline de Montbrun, qui s'isolait dans sa douleur, avec la fière pudeur des âmes délicates, écrivait un peu quelquefois. » Laure Conan est cette « noble jeune fille » ... du moins par l'imagination et le souvenir. C'est à trente-cinq ans qu'elle publie, en 1881, son premier roman, et il ne ressemble à rien de ce qui s'était écrit auparavant au Canada. Les trompettes de l'Histoire et de la Survivance se font à peine entendre dans cette histoire d'amour sombre, douloureuse, intensément personnelle malgré les fades ornements d'un style de couventine. On y surprend d'étranges plaintes, d'étonnants aveux: « J'ai vu de près l'abîme du désespoir... », « la grande clarté du désabusement... »; et cette phrase atroce, dans la perspective religieuse qui est celle de l'héroïne: « L'éternité, cette mer sans rivages où nous disparaîtrons tous! » Sans doute les contemporains de l'auteur, et Laure Conan elle-même, seraient-ils étonnés, pour ne pas dire scandalisés, de ce que nous voyons aujourd'hui dans ce roman officiellement voué à l'édification religieuse la plus austère. Les révélations involontaires, les profondes indiscrétions, qui font pour nous l'intérêt de ce livre leur demeuraient, et ne pouvaient sans doute que leur demeurer cachées. Né dans sa propre négation, le roman canadien-français se continue dans l'équivoque. Romancière, c'est-à-dire créatrice de personnages imprévisibles, complexes, troublants, Laure Conan l'est en quelque sorte malgré elle. » (Gilles Marcotte, Une littérature qui se fait)

« Avant Laure Conan, le pays avait vu défiler, dans son long roman national peu prestigieux, des hommes et des femmes de même cousinage. Tous, sauf exception, étaient directement issus de l'événement, plus ou moins dépeints dans le pittoresque du costume, du geste ou de la nature. Il leur manquait le relief de la psychologie, une attention pénétrante à leur destin individuel. Aucun n'avait pu ou su communiquer, soit à lui-même, soit aux autres, la profondeur et la vérité ondoyante d'une personnalité; il n'y avait pas eu de roman d'analyse. Angéline de Montbrun rompt avec ce trop long silence. Seule la vie intérieure comptera aux yeux de son auteur. À travers son héroïne, Laure Conan livre pour la première fois cette part de mystère qui s'enracine à l'âme. En effet, c'est de la romancière même qu'Angéline tire ses émois, sa souffrance, sa longue lutte et sa soumission devant le destin. La mélancolie, les regrets, parfois le dépit d'une vie sans joie imprègnent de nombreuses pages du roman. Finalement, une résignation qui fut difficile à obtenir et une foi toujours sans faille, mais éprouvée, l'emportent sur les cris du cœur et les faiblesses de la chair.» (Arsène Lauzière et all., Histoire de la littérature Française du Québec, tome 1)

« Pour ce qui est du journal d'Angéline, il est beau, sans doute, il est sublime, mais engendre à la longue une sorte de monotonie. Et dirai-je que l'on s'étonne un peu que cette « fleur-des-champs » qui nous était apparue insouciante et gaie, naïvement impulsive, pas portée du tout à l'analyse, à la dissection de l'âme, se révèle subitement la plus subtile des psychologues, la plus pensive des créatures, capable de démêler toutes les complications du sentiment, touchant d'une main sûre les fibres les plus secrètes pour en décrire l'état, pour en rendre les vibrations inquiètes. Il est vrai, elle a vieilli, surtout elle a souffert, et sa souffrance n'est pas de celles qui guérissent. Or, rien ne creuse une âme comme la douleur, quand elle ne l'anéantit pas. Que l'on se rappelle le vers du poète : Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert.
Et Angéline a été aussi très bien élevée, son instruction littéraire n'a rien laissé à désirer, sa formation religieuse a été parfaite. Et cependant, tout cela dûment admis, j'ose soutenir qu'elle se dévoile à nous comme une femme dont l'évolution intérieure a eu quelque chose de prodigieusement rapide. Nous n'étions pas suffisamment préparés par ses antécédents à la voir déployer un raffinement dans les sensations, non plus qu'étaler une érudition qui nous renverse par son étendue. » (Henri d’Arles, Estampes)

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