Gratien Gélinas, Tit-Coq, Montréal, Beauchemin, 1950, 193 pages. (Des photographies d’Henri Paul apparaissent sur des planches hors-texte) (La première eut lieu le 22 mai 1948 au Monument national.)
Acte 1 – Décembre 1942-Juin 1943
Jean-Paul et Tit-Coq, deux soldats basés à Montréal, se sont querellés dans un bar quelques jours avant Noël. Plutôt que de les punir, le commandant, à la suggestion du Padre, ordonne à Jean-Paul d’emmener Tit-Coq dans sa famille. Il faut dire que ce dernier est un enfant illégitime, qui a vécu jusqu’à l’adolescence dans des orphelinats. La famille de Jean-Paul, généreuse, lui ouvre les bras, surtout Marie-Ange qui a le béguin pour lui. De retour à Montréal, Tit-Coq et Marie-Ange (qui travaille dans une filature) se fréquentent et tombent amoureux. Tout eût été pour le mieux si le soldat Tit-Coq n’avait pas été obligé de partir en Europe. Il emporte avec lui l’album de famille de Marie-Ange et sa promesse de l’attendre.
Acte 2 : Juin 1943-Juin 1945
Tit-Coq et Marie-Ange échangent des lettres. Et puis, un jour, il s’aperçoit que le ton des lettres de Marie-Ange a changé. Il se doute bien qu’il se passe quelque chose. Comme il ne veut surtout pas de pitié, il libère Marie-Ange de sa promesse. En fait, elle se meurt d’ennui, et sa famille l’exhorte à sortir, à rencontrer d’autres garçons. On lui fait valoir qu’elle connaît peu Tit-Coq, qu’il est sans famille, qu’on ne peut pas s’y fier... Marie-Ange, toute mêlée, finit par céder. Depuis toujours, Léopold Vermette, un garçon de son village natal, lui tourne autour. Elle accepte de le rencontrer. Finalement, arrive ce qui n’aurait pas dû arriver : elle épouse Léopold.
Acte 3 – Septembre 1945
De retour à Montréal, Tit-Coq force Marie-Ange à le rencontrer une dernière fois. Il veut simplement lui dire ses quatre vérités. Contre toute attente, cette dernière lui avoue que son mariage est un échec, qu’elle l’aime toujours. Les deux projettent d’envoyer en l’air religion et convenances sociales et de partir ensemble. Le Padre réussit à les en dissuader.
L’intrigue est très mince et pourtant... J’ai dû lire cette pièce il y a quelque vingt ans au moins. Je n’en avais pas un souvenir parfait. Et j’ai été pris d’un bout à l’autre par cette histoire, mélodramatique et plutôt superficielle. Là où certains y voient une représentation du Canadien français aliéné, moi, j’y vois plutôt une histoire psychologique, comme on en faisait dans les années 1950. Gélinas met en scène un personnage pathétique, un écorché vif, un malchanceux. Tit-Coq est tiraillé, comme tant de héros de cette époque, entre la pureté et le mal. Depuis toujours, on lui a fait comprendre qu’il était un bâtard, un « enfant du péché ». Et la vie dissipée qu’il a menée jusque là n’a d’aucune façon contribué à changer cette perception qu’il avait de lui-même. Alors cette Marie-Ange, qu’il surnomme « Mademoiselle Toute-Neuve », représente pour lui la pureté retrouvée, le rachat de sa bâtardise, sa renaissance pour tout dire. Il l’idéalise, il la tient en dehors de toute sexualité pour ne pas l’avilir, contrairement à ce qu’il faisait avec les autres femmes. Cette fille va lui procurer la famille qu’il n’a jamais eue. Son rêve de pureté va échouer, il devra trouver d’autres solutions pour assumer sa bâtardise. C’est ce que le Padre veut lui faire comprendre dans cet extrait :
LE PADRE
Tout ce que tu voulais — un foyer, des enfants, l'affection d'une famille, le respect de toi-même et d'autrui — tout ce bonheur est encore possible avec une autre. Rien n'est perdu, sauf elle.
TIT-COQ
Et l'amour, qu'est-ce que vous en faites ?
LE PADRE
L'amour ?
TIT-COQ
Acte 1 – Décembre 1942-Juin 1943
Jean-Paul et Tit-Coq, deux soldats basés à Montréal, se sont querellés dans un bar quelques jours avant Noël. Plutôt que de les punir, le commandant, à la suggestion du Padre, ordonne à Jean-Paul d’emmener Tit-Coq dans sa famille. Il faut dire que ce dernier est un enfant illégitime, qui a vécu jusqu’à l’adolescence dans des orphelinats. La famille de Jean-Paul, généreuse, lui ouvre les bras, surtout Marie-Ange qui a le béguin pour lui. De retour à Montréal, Tit-Coq et Marie-Ange (qui travaille dans une filature) se fréquentent et tombent amoureux. Tout eût été pour le mieux si le soldat Tit-Coq n’avait pas été obligé de partir en Europe. Il emporte avec lui l’album de famille de Marie-Ange et sa promesse de l’attendre.
Acte 2 : Juin 1943-Juin 1945
Tit-Coq et Marie-Ange échangent des lettres. Et puis, un jour, il s’aperçoit que le ton des lettres de Marie-Ange a changé. Il se doute bien qu’il se passe quelque chose. Comme il ne veut surtout pas de pitié, il libère Marie-Ange de sa promesse. En fait, elle se meurt d’ennui, et sa famille l’exhorte à sortir, à rencontrer d’autres garçons. On lui fait valoir qu’elle connaît peu Tit-Coq, qu’il est sans famille, qu’on ne peut pas s’y fier... Marie-Ange, toute mêlée, finit par céder. Depuis toujours, Léopold Vermette, un garçon de son village natal, lui tourne autour. Elle accepte de le rencontrer. Finalement, arrive ce qui n’aurait pas dû arriver : elle épouse Léopold.
Acte 3 – Septembre 1945
De retour à Montréal, Tit-Coq force Marie-Ange à le rencontrer une dernière fois. Il veut simplement lui dire ses quatre vérités. Contre toute attente, cette dernière lui avoue que son mariage est un échec, qu’elle l’aime toujours. Les deux projettent d’envoyer en l’air religion et convenances sociales et de partir ensemble. Le Padre réussit à les en dissuader.
L’intrigue est très mince et pourtant... J’ai dû lire cette pièce il y a quelque vingt ans au moins. Je n’en avais pas un souvenir parfait. Et j’ai été pris d’un bout à l’autre par cette histoire, mélodramatique et plutôt superficielle. Là où certains y voient une représentation du Canadien français aliéné, moi, j’y vois plutôt une histoire psychologique, comme on en faisait dans les années 1950. Gélinas met en scène un personnage pathétique, un écorché vif, un malchanceux. Tit-Coq est tiraillé, comme tant de héros de cette époque, entre la pureté et le mal. Depuis toujours, on lui a fait comprendre qu’il était un bâtard, un « enfant du péché ». Et la vie dissipée qu’il a menée jusque là n’a d’aucune façon contribué à changer cette perception qu’il avait de lui-même. Alors cette Marie-Ange, qu’il surnomme « Mademoiselle Toute-Neuve », représente pour lui la pureté retrouvée, le rachat de sa bâtardise, sa renaissance pour tout dire. Il l’idéalise, il la tient en dehors de toute sexualité pour ne pas l’avilir, contrairement à ce qu’il faisait avec les autres femmes. Cette fille va lui procurer la famille qu’il n’a jamais eue. Son rêve de pureté va échouer, il devra trouver d’autres solutions pour assumer sa bâtardise. C’est ce que le Padre veut lui faire comprendre dans cet extrait :
LE PADRE
Tout ce que tu voulais — un foyer, des enfants, l'affection d'une famille, le respect de toi-même et d'autrui — tout ce bonheur est encore possible avec une autre. Rien n'est perdu, sauf elle.
TIT-COQ
Et l'amour, qu'est-ce que vous en faites ?
LE PADRE
L'amour ?
TIT-COQ
Ouais ! l'amour. Ça ne compte pas dans votre monde ; mais dans le nôtre, ça compte. Si on est montrés du doigt ici, on sacrera le camp au diable vert, et on arrivera bien à être heureux quand même. Elle m'aime, elle, et ça me consolera de tout le reste... Parce que l'amour, c'est fort. C'est plus fort que tout, vous saurez. Plus fort que tout !
LE PADRE
Si c'était si fort, l'amour, elle ne t'aurait pas oublié, elle.
TIT-COQ (Menaçant.)
LE PADRE
Si c'était si fort, l'amour, elle ne t'aurait pas oublié, elle.
TIT-COQ (Menaçant.)
Qu'est-ce que vous dites?
LE PADRE
Oui, ça peut exister, un grand amour et, pour un temps, compenser bien des épreuves. Mais ce n'est pas là le sentiment qu'elle a pour toi, l'amoureuse qui t'a abandonné sans même avoir l'honnêteté de t'écrire sa décision, qui a juré, devant Dieu et devant les hommes, fidélité à un autre pour la vie et qui est prête, maintenant que son mari est loin lui aussi, à te retomber dans les bras. Cette femme-là n'a pas fini d'être faible. (MARIE-ANGE s'est caché la figure dans ses mains.)
TIT-COQ (Les poings serrés, devant le Padre.)
LE PADRE
Oui, ça peut exister, un grand amour et, pour un temps, compenser bien des épreuves. Mais ce n'est pas là le sentiment qu'elle a pour toi, l'amoureuse qui t'a abandonné sans même avoir l'honnêteté de t'écrire sa décision, qui a juré, devant Dieu et devant les hommes, fidélité à un autre pour la vie et qui est prête, maintenant que son mari est loin lui aussi, à te retomber dans les bras. Cette femme-là n'a pas fini d'être faible. (MARIE-ANGE s'est caché la figure dans ses mains.)
TIT-COQ (Les poings serrés, devant le Padre.)
C'est assez!
LE PADRE
Si elle avait aujourd'hui le courage de te suivre dans un pays inconnu et de braver l'existence de misère que tu lui proposes, elle aurait eu la force de t'attendre deux ans.
TIT-COQ (Hors de lui-même)
LE PADRE
Si elle avait aujourd'hui le courage de te suivre dans un pays inconnu et de braver l'existence de misère que tu lui proposes, elle aurait eu la force de t'attendre deux ans.
TIT-COQ (Hors de lui-même)
C'est assez! C'est assez!
LE PADRE (Constatant l'exaspération de Tit-Coq.)
LE PADRE (Constatant l'exaspération de Tit-Coq.)
Oui, c'est assez. Ce que j'avais à dire pour vous convaincre, je l'ai dit. (Navré.) Je ne peux rien de plus.
Gratien Gélinas a raconté avec beaucoup d’économie cette histoire. Chaque tableau est nécessaire, toute l’action est centrée sur les deux principaux personnages, est très serrée comme on dit. Pas de digressions, pas de bavardages, juste l’essentiel.
De la guerre, il n’en est guère question dans la pièce. Elle a peu d’importance. La religion, par contre, est omniprésente. Le Padre est en quelque sorte l’arbitre, qui gère les conflits humains, qui dresse la barrière morale qu'il ne faut pas franchir. Un film, tiré de la pièce, fut présenté en 1953.
Gratien Gélinas a raconté avec beaucoup d’économie cette histoire. Chaque tableau est nécessaire, toute l’action est centrée sur les deux principaux personnages, est très serrée comme on dit. Pas de digressions, pas de bavardages, juste l’essentiel.
De la guerre, il n’en est guère question dans la pièce. Elle a peu d’importance. La religion, par contre, est omniprésente. Le Padre est en quelque sorte l’arbitre, qui gère les conflits humains, qui dresse la barrière morale qu'il ne faut pas franchir. Un film, tiré de la pièce, fut présenté en 1953.
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