8 octobre 2024

Les passerelles du matin

Marie Laberge (Marie-Paule Goulet), Les passerelles du matin, lu dans Aux mouvances du temps (1961-1971), Montréal, Lemeac, 1982, 336 pages (Aquarelle de l’autrice sur la couverture)

Il y a deux Marie Laberge. Cela donne lieu à beaucoup de confusions sur le web. (Ne pas confondre la poète née en 1929 et son homonyme romancière-dramaturge née en 1950.) Il en résulte que l’aînée est complétement éclipsée du paysage littéraire, elle qui a pourtant publié huit recueils de poésie : Les passerelles du matin (1961), Halte (1965), D'un cri à l'autre (1966), L'hiver à brûler (1968), Soleil d'otage (1970), Reprendre souffle (1971), Les chants de l'épervière (1979), Les fenêtres simultanées (1990). Les six premiers ont été réédités dans Aux mouvances du temps en 1982.

Marie Laberge, de son vrai nom Marie-Paule Goulet, est née en 1929 et décédée en 2017. Elle était poète mais aussi peintre (voir ce site) et illustratrice. En 1990, son œuvre fait l’objet d’un livre d’art : Françoise Dumoulin et Ghislaine Lavoie, Marie Laberge, poète et peintre, Collaboration de Michel Champagne, Édition Diane Lefrancois, 1990,100 pages.

Aujourd’hui, je vais me contenter de présenter brièvement son premier recueil, qui introduit ce que je détaillerai un peu plus dans mes critiques de Halte et D’un cri à l’autre.

***

Dans Les passerelles du matin, les vers sont courts et l’expression, assez sèche.  Le premier poème donne l’idée de la manière de Laberge.

J'émerge de l'enfance

J'émerge de l'enfance
Les cheveux ruisselants
De parfums tristes
Le cœur écartelé de révoltes
Tâtonnant comme un aveugle
Pour apprendre
La vertu de l'huile et du feu
Dans la lampe.

Elle utilise beaucoup l’anaphore, procédé cher aux débutants. Quant au contenu, on retient un désir très fort de se libérer de son passé, comme le titre et les deux poèmes retenus en témoignent.

J'arrive du pays noir

J'arrive du pays noir
De la bouche des arbres
Où je sentais déjà
Le ténébreux appel
De leur soif
Je m'accroche aux passerelles du matin
Tel un grillon jaune
Troubadour de clarté.

Témoignage





3 octobre 2024

L’identification

François Piazza, L’identification, Longueuil, IVE, Le crible, 1966, 53 pages.

Drôle de titre pour un recueil de poésie!

Il contient trois parties en plus d’un avant-propos. Piazza a bien raison d’écrire qu’un avant-propos « semble toujours un plaidoyer pro domo, une sorte d’amadouement du lecteur avant sa lecture ». Ce recueil en a bien besoin.

La grande quête raconte les tergiversations intellectuelles d’un homme qui cherche à connaître son véritable moi, une fois gommés le passé, l’autre, les influences sociales et même les mots. Rien de poétique dans les textes en prose de cette partie.

Le mal d’autre, c’est en quelque sorte le besoin de l’autre. « Je suis le froid qui cogne à la double-fenêtre / Pour trouver la chaleur de l’autre entr’aperçu […] Aujourd’hui, j’ai mal d’autre. » Enfermé dans les tourbillons de sa pensée, malgré son grand besoin d’aimer, il n’y arrive pas : « Je me glace d’aimer / Je consume d’attendre / Et les lueurs s’écroulent / et le mot de se fendre ». Comme s’il voulait expliquer son impuissance, cette partie se termine par un long poème où il essaie de cerner l’expérience de la guerre pour un enfant : « Je suis né quand le siècle était fils des barbares ».

Je Homme : Sa quête d’identité s’élargit, elle est universelle. En simplifiant beaucoup sa pensée : tout homme, peu importe son origine ou son histoire, passe sa vie à chercher son identité… toujours fuyante.

JE, Homme (4)

Nous nous battons pour notre titre d’homme
De montagne en djebel
Et de pavé en toit

Compagnons de la nuit, de la soif, de la faim
Aux creux des crépuscules, aux pointes du matin
Couchés au pied des murs
Debout l’arme à la main

Nous nous battons pour notre titre d’homme
Aux braises de nos mots, aux flammes de la phrase
Nous trouons le brouillard où nous sommes enfermés
Aux lanternes du mot
[…]

Et cet Autre, éternel, échappant chaque fois
Que dans un corps furtif, nous avons cru étreindre
Ma vie, mon beau miroir, ma joie, ma solitude
Toi que je porte en moi et qui n’est jamais là
Toi et moi, nous avons les bras lourds de voyage
Nous marchons dans la nuit, courant après l’orage
Et cet Autre éternel échappant chaque fois …

Ce recueil n’a pas beaucoup de qualités littéraires. Et l’auteur manque de recul si bien que ses idées demeurent confuses. Les chants d’Amérique laissait pourtant présager de bien belles choses.