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21 février 2020

La fin des loups-garous

Madeleine Ferron, La fin des loups-garous, Montréal, HMH, 1966, 189 pages. (Coll. L’Arbre)

En 1964, en Beauce. Antoine Charbonneau, 40 ans, vit avec sa femme Julia, malade. Leur mariage bat de l’aile, et il en a toujours été ainsi. Julia s'est réfugiée dans la religion; et Antoine, dans son travail : il achète des terres abandonnées qu’il revend ou replante. 

Rose Caron, une bonne de 20 ans, est engagée pour aider Julia. Antoine a une aventure avec elle. Sa femme semble le savoir, mais fait semblant de l’ignorer. Antoine a de la difficulté à quitter sa femme, sachant que le village va se retourner contre lui et que ses affaires vont péricliter. Il voit Rose dans un « camp », quand l’occasion s’y prête. Peu à peu, les gens commencent à deviner ce qui se passe entre eux. Antoine s’éloigne, va travailler à Saint-René. Le curé s’organise pour que Rose soit engagée dans une autre maison. Rose et Antoine s’écrivent. Ils décident finalement de partir à Grand-Mère, où Antoine a déniché un travail. Le jour précédent leur départ, ils vont à Saint-François surveiller la débâcle. Ils sont surpris par la montée des eaux et tout le monde découvre leur aventure quand Antoine ramène Rose dans ses bras au vu et au su de tous. Les parents et le curé essaient de s’opposer à leur projet ; Julia se résigne assez vite, la religion étant sa planche de salut. Le village ne réussira pas à les contraindre : ils partent. Quelque temps plus tard, une lettre apprend à Antoine que sa femme s’est suicidée.

Petit roman qui sans être génial se lit très bien. Les personnages principaux défient le milieu paroissial, trop contraignant, pour vivre pleinement leur amour. Ferron met en scène une société de transition, certains personnages se détachant de croyances religieuses qui dictaient l’ordre social depuis un temps immémorial, comme l’indique le titre. Fini le temps des « loups garous »! 

Extrait
— Qu'est-ce que ça veut dire, cette folie de bonheur qui s'empare du monde? Qu'est-ce que c'est ça, le bonheur?... C'est le prétexte que les femmes se donnent pour se laisser vivre comme des catins? C'est ça, le bonheur?... Ça n'existe pas, le bonheur. Le travail, ça existe. Et le contentement du travail bien fait. Le devoir. Et le plaisir quand il passe. Et la joie du devoir accompli... Le devoir... pour Rose comme pour toutes les femmes! Elle n'y échappera pas. S'il le faut, je la ferai enfermer. Je la ferai plier. Je la ferai dompter. Tu m'entends, Rose Caron?

Bien sûr que Rose entendait. Ou plutôt, elle n'entendait pas, elle recevait les vociférations comme des coups douloureux, comme des brûlures. Sa mère la rejetait, l'arrachait d'elle comme on arrache un lierre du mur auquel il était accroché. Elle baissa la tête. Sa jeunesse difficile mais tendre, sa mère la lui extirpait, Des liens se rompaient. Elle montait libérée par un de ces miracles que la vie invente tous les jours pour subsister. Papillon qui ébroue ses ailes de soie encore humides, les étend doucement et les fait palpiter d'étonnement. Elle s'éloignait, portée par ses propres ailes, pendant que sa mère continuait rageusement de piétiner sa dépouille abandonnée de jeune fille. (p. 170-171)

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