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4 janvier 2009

Fleurs sauvages

Atala (Léonise Valois), Fleurs sauvages, Montréal, Beauchemin, 1910, 64 pages.


Cette plaquette serait le premier recueil de poésie publié par une femme au Québec. Léonise Valois emprunte son nom de plume à l’héroïne éponyme d’Atala (1802), un récit de Chateaubriand. Atala est une jeune Autochtone, consacrée par sa mère à la Vierge Marie, qui se donne la mort par crainte de perdre sa virginité. Ce nom d’emprunt situe déjà le propos du recueil, comme on va le voir.

Le recueil est constitué d’une ensemble de poèmes indépendants les uns des autres. Qu’est-ce qui a présidé à leur ordre? La date de leur création? Je ne saurais dire. La plupart sont dédicacés, tantôt à des parents, tantôt à des amis. On devine que plusieurs sont des poèmes de circonstances, écrits à l’occasion d’un décès (le père, la mère), d’une noce d’or, de la prise de soutane du frère, d’une excursion à la campagne (à Rigaud, à Dorion), d’un événement social (le tricentenaire de Québec)…

S’il y a un thème qui semble plus fortement appuyé, c’est celui de la femme face à l’amour. Hommes et femmes s’opposent ou se complètent comme papillon et fleur : « Papillon! Fuis-moi, je te crains! / Je me soustrais à ton empire, / Je trouve tes charmes trop vains / Pour leur accorder un sourire. » La femme est douceur, l’homme est violent : « Ma plume est un duvet, la vôtre est une armure, / Si vous comprenez l’art de cette lyre pure, / Qu’est la Muse des Vers, que n’êtes-vous… plus doux? » Seul l’homme qui saura équilibrer sa « Tête et [son] Cœur » saura atteindre la femme : « Pour vous, mon noble ami, qui trouver l’équilibre / Si facile à garder de la tête et du cœur / Sachez que, chez la femme, il est à son honneur » Il faut dire que pour Atala, le sentiment amoureux doit être pur, éthéré, au-dessus de tout, comme dans le poème « Un Rêve » : « Des rosiers fleuriraient sans craindre les retours, / Des âpres vents d’automne, et notre amour immense / Captif en cet Éden, rayonnerait… toujours! »

Comme c’est une femme qui écrit ces poèmes, il est normal qu’elle fasse plus de place à la condition féminine : certaines amies, Hélène de Champlain, les midinettes, les coquettes et même la Vierge Marie ont droit à un poème. Bien entendu le sentiment religieux est présent, mais n’est pas envahissant comme on le voit dans certains recueils de l’époque. J’ai choisi comme extrait un poème, unique en son genre, un poème dans lequel l’auteure fait preuve d’un tout petit peu d’audace, il me semble, un poème qui aurait pu être écrit par la jeune vierge tourmentée de Chateaubriand :


Sur l’eau
Le blanc bateau voguait sur le fleuve royal,
Gracieux comme un cygne,
Sa coque si jolie au mouvement égal
Bravait l’onde maligne.

Vers l’horizon lointain, l’astre d’or avait fui,
Jetant ses diaprures
Sur les plaines, les monts à l’aspect infini,
Dans toutes les ramures.

La pénombre déjà, sur le flot en éveil
Répandait son mystère,
La nature semblait préparer son sommeil
En disant sa prière.

Dans l’abîme entr’ouvert, il me semblait entendre
La Sirène du Mal,
Ses appels séduisants, sa voix qui se fait tendre,
Son triomphe final.

Oui, le cœur sans appui roulant dans le noir gouffre
Périrait sûrement,
Si Dieu n’était pas là près de l’âme qui souffre
Pour l’aider doucement.

Puis je pensais encore : Et notre volonté,
Quelle est donc sa faiblesse?
Quand il s’agit de l’âme et de l’éternité
Plus grande est sa détresse!

O Dieu! délivrez-nous du péril qui fascine
De ses appâts trompeurs,
Et sauvez du naufrage à votre voix divine
Nos âmes et nos cœurs! 

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