La nuit bleue était scintillante d'étoiles. La lune dorait les
champs endormis, moirait de reflets chatoyants la parure blanche de la campagne
et versait les rayons de la lumière sur la neige de la route.
— La nuit est claire et belle, se dit Jacqueline. Pourtant, il
fait noir dans mon cœur ! et la jeune fille ne put retenir deux larmes qui
mirent un brouillard d'argent au fond de ses yeux noirs.
L'histoire de Jacqueline était un poème d'amour et d'espérance
écrit dans le coin bleu de ses rêves de jeunesse : Antoine l'avait aimée, elle
avait aimé Antoine. L'amour s'était éveillé dans leurs cœurs comme s'éveille au
mois de mai, la printanière floraison des muguets.
Le temps ayant suivi son cours sans avoir, de sa main souvent
cruelle, effleuré la fleur précieuse qui charmait leur vingt ans, Jacqueline était
devenue la fiancée d'Antoine.
Avant de s'engager, la jeune fille avait loyalement déclaré à
son ami que l'amour de la terre était la force de celui qu'elle lui portait, et
que leur mariage n'aurait lieu que lorsqu'il aurait racheté la ferme
paternelle, dont la longue maison blanche veillait là-bas, solitaire, sur le
bord du chemin.
Pris soudain de la nostalgie des bonheurs d'autrefois, en
mettant au doigt de Jacqueline sa bague de fiancée, Antoine avait promis que
dans trois ans, la bûche de Noël brûlerait dans la cheminée de la grande salle
de SA ferme.
Depuis trois ans, la jeune fille vivait de l'attente de cette
veille de Noël. Et elle dont les semaines et les mois n'avaient jamais ébranlé
la confiance, elle tremblait maintenant devant les quelques heures qui
ajoutaient des craintes à son anxiété.
L'horloge sonna neuf heures. Le regard de Jacqueline chercha
tristement la silhouette d'Antoine dans l'allée couverte de rayons. Rien ! Rien
que l'ombre de la maison qui s'allongeait sur la blancheur du jardin.
Cette ombre pesa sur son cœur comme un brouillard glacé.
L'horizon rose de son rêve pâlit, se fit lointain, à peine perceptible. En se
dérobant, il parut sombrer dans un gouffre noir. Le cœur angoissé, la jeune
fille tendit la main en avant comme pour saisir son bonheur qui fuyait.
Mais les chants de joie des grelots, au loin s'éparpillaient
en sons argentins et venaient jusqu'à la jeune fille, lui apportant la douceur
de l'apaisement. Ces voix joyeuses étaient maintenant pour elle des chants
d'espérance, ceux mêmes de son rêve, et elle sourit.
— J'ai confiance, dit-elle avec ferveur. Antoine a promis...
*
*
Onze heures. Les cloches sonnaient leurs joyeuses volées dans
la nuit scintillante d'étoiles. Elles sonnaient la joie du monde entier,
l'approche de l'heure de paix et d'amour qui, en cette nuit, descend sur la
terre, comme autrefois sur les montagnes de Bethléem.
Elles sonnaient aussi le bonheur de Jacqueline, entre les
mains de laquelle Antoine venait de glisser l'acte de rachat de la terre
paternelle, en murmurant : « J'avais promis Jacqueline. Demain, la bûche de
Noël brûlera dans la cheminée de NOTRE ferme. »
(Marjolaine, Gerbes d’automne, 1928, p. 118-119)
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