Marc Sauvalle, Le lauréat manqué : un voleur qui crie: au voleur!, Montréal, s.e., 1894, 69 p.
Marc Sauvalle, journaliste dans différents journaux canadiens, était un ami de Fréchette. Il est né en 1857 au Havre en France, est arrivé au Canada en 1884 et est décédé à Ottawa en 1920.
Dès le titre et les premières lignes, il annonce clairement ses couleurs : « Louis Fréchette est le plus fort écrivain du pays, c'est incontestable. En prose ou en vers, il est sans rival. Il joint à une rare érudition le charme d'un style alerte et varié, une connaissance approfondie de la langue, une vigueur de dialectique surprenante, et des éclats de lyrisme qui n'ont jamais été surpassés en Amérique. Etc. »
Selon Sauvalle, la jalousie de Chapman découle du fait qu’il avait envoyé son recueil Feuilles d’érable à l’Académie française, qui l’a ignoré, alors qu’elle avait couronné Les fleurs boréales, Les oiseaux de neige, Poésies canadiennes de Fréchette. Et selon lui, derrière Chapman se cache l’abbé Baillargé (Fréchette avait attaqué l’éducation dans les collèges classiques : Lettres à l’abbé Baillargé).
Sauvalle va utiliser la même médecine que Chapman a servie à Fréchette. De la page 13 à la page 43, il relève de multiples exemples qui tendent à démontrer que Chapman a piraté Fréchette, souvent en ridiculisant son ennemi : « M. Chapman essaie de ridiculiser M. Fréchette qui, dans un sonnet sur l'hiver canadien, a parlé d'avalanche. / Il demande où M. Fréchette a pu voir des avalanches au Canada. / Or, M. Chapman, faisant aussi du paysage canadien, écrit à la page 138 de ses Feuilles d'érable : Les vallons aux abois râlent sous l'avalanche. / Ce sont là des avalanches suisses, je suppose, importées pour la circonstance à Montréal. / Peut-on mieux démontrer la mauvaise foi de l'individu ? »
La défense de Sauvalle-Fréchette se termine par une interview. Fréchette, bon prince, traite de haut Chapman, sans jamais le nommer, comme s’il était connu de tout le monde que Chapman avait des problèmes mentaux. Fréchette se défend de certaines accusations plus graves en rétablissant les faits. Par exemple, à la fin de La voix d’un exilé, il avait mentionné clairement qu’il s’était largement inspiré des Châtiments de Victor Hugo. Et pour ce qui est des plagiats de rimes, de mots, Fréchette argue que c’est le fait de tous les poètes. Et il admet que trois vers dans son œuvre sont des reprises intégrales qui lui ont échappées. Fréchette devient plus polémique : « Or, la baillargerie [l’abbé Baillargé] en quête de vengeance, dévotement associée à la cuistrerie avinée et ramollie [Chapman était alcoolique], a sué douze mois sur mes œuvres, pour y trouver... quoi ?... Trois réminiscences bien constatées, une couple de ressemblances lointaines, et des mots ... ah ! des mots, par exemple, on en a découvert des masses. / Comme si les mots n’appartenaient pas à qui veut s'en servir ! »
L’interview se conclut ainsi : « Personne ne sait mieux que moi ce qu'il y a de défectueux dans mes ouvrages ; mais je suis un honnête homme, et ceux qui m'accusent de m'être sciemment approprié le travail d'autrui — prêtre dans la chaire ou pochard le coude sur le zinc, professeur de collège en rupture d'orthographe ou gibier de cour de recorder — en ont menti ! »
Voir aussi :
Polémique Chapman-Fréchette
Le lauréat
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