Marie-Anne Perreault (madame Elphège
Croff), Celle qui revient, Montréal, Édouard-Garand, 1930, 30 pages (Illustrations
d’Albert Fournier).
Ce fascicule est le 70e publié dans la
collection « Le roman canadien » chez Garand. En plus du roman, il contient
un supplément littéraire de 18 pages intitulé « La vie canadienne ».
Le
récit est divisé en trois parties.
Celle qui revient
Louise Lajoie, fille unique, a épousé
Claude Gagnon contre le gré de son père, un riche cultivateur qui n'admet pas que sa fille se marie avec un
pauvre habitant-journalier. Leur amour se gâte assez
vite: Louise est une jeune femme capricieuse qui ne pense qu'aux beaux
vêtements et aux colifichets et qui néglige l'entretien de sa maison. Même la
venue d'un enfant n'améliore pas la situation. Un soir qu'il a bu, son mari la
gifle et elle court se réfugier chez ses parents avec son fils.
Celle qui regrette
Elle croyait que Claude accourrait pour
la supplier de rentrer, mais celui-ci s’y refuse. Ses parents, et même sa mère
qui l'a toujours appuyée, n'admettent pas qu'elle déserte son foyer. De peur
qu'elle s'incruste, on ne lui fait aucune place dans la maison. Ses anciennes
amies la fuient, bref on la traite comme une brebis galeuse. Isolée, désœuvrée,
et de plus en plus repentante, elle s’ennuie. Elle découvre qu'elle aime
toujours Claude, mais orgueilleuse, elle ne veut pas rentrer au logis la tête
basse.
Nouveauté
Arrive en visite sa cousine Sophie, qui
est d'une jovialité conquérante. Elle décide de remettre sur les rails le
mariage de Louise et Claude. Elle sonde leurs sentiments et découvre que la
flamme brûle toujours entre eux. Sûre d’être bien accueillie, Louise décide de rentrer, consciente des
tâches qui l'attendent et heureuse de retrouver son chez-soi. Le père de Louise décide d'aider le couple en lui offrant un petit pécule qui lui permettra d'acheter une terre plus grande et une demeure plus spacieuse. Et
pour Sophie, amoureuse du frère de Claude, il lui offre de s'installer avec eux
quand elle se mariera. Bref, le pater
familias règle les problèmes de tout le monde.
Ce qui étonne, de la part d’une femme
peu conventionnelle (voir Marie-Anne Perreault), c’est la vision patriarcale très appuyée qu’elle nous sert dans son roman. L'homme est plus qu'un pourvoyeur, il est le gardien de la morale, la seule figure d'autorité dans la famille. Il faut même avoir son assentiment pour épouser son amoureux. Les femmes lui doivent soumission. Elles doivent accomplir certains travaux domestiques mais surtout
sont responsables de l'atmosphère qui doit régner dans le foyer et même de
l'harmonie qui doit exister dans le couple. Et pour ce, elles doivent se sacrifier. Ce qui étonne encore plus, c’est la vision très négative de la mère
(icône intouchable dans la littérature de l’époque), qui cède à tous les
caprices de sa fille, qui est blâmée pour sa faiblesse morale et qu'aucune redemption ne vient racheter à la fin du roman. Enfin, dernière surprise : l’absence de la
religion. Jamais on ne fait intervenir un curé ou un argument religieux pour inciter Louise à rentrer au bercail, lorsqu'elle quitte son mari.
Très moralisateur, le roman sent la
thèse de bout en bout, mais encore plus dans la dernière partie quand l’auteure introduit
le personnage de la nièce orpheline qui est l'antithèse de Louise.
L’histoire compte son lot
d’invraisemblances, mais c’est surtout le fait que Louise habite au fond d'un
rang mais s'achète des robes, des bijoux qui ne devaient se trouver
qu'en ville, qui nous laisse pantois.
L’auteure se tire un peu dans le pied en
dénonçant les romans légers pour expliquer la faiblesse morale de Louise (d’ailleurs, encore une fois, où se les procure-t-elle, ces
romans ?).
—
Je te l’ai toujours dit, moi, dit le vieux, tu n’aurais pas dû te mêler de ce
mariage-là... Tu n’as pas voulu m’écouter, tu as pris pour ta fille sans
vouloir entendre les autres. Arrange-toi avec à présent... Tout ce que je sais,
c’est qu’elle est gâtée, elle n’est pas raisonnable, tu l’as élevée à tous ses
caprices et ce qui arrive aujourd’hui, je l’attends depuis trois ans... Elle a
mis ces gens-là qui sont meilleurs qu’elle dans le trouble, elle est
malheureuse et nous autres aussi. Tu es bien payée de l’avoir toujours écoutée,
de l’avoir supportée et de l’avoir rendue misérable par ta faute...
— On dirait que tu es content de la voir
traitée comme une esclave, reprit la vieille.
— Non, je ne suis pas content, répondit
le père Lajoie. Cela me fait de la peine parce qu’elle n’est pas à sa place. Ce
n’est pas un garçon comme Claude Gagnon qu’il lui fallait, parce qu’ils n’ont
pas été élevés sur le même pied et puis Louise n’est pas raisonnable... Tu la
connais, mais quand même je parlerais encore, cela ne servira à rien. Moi tout
ce que je dis, cela ne compte pas... Cela n’a jamais compté, vous en avez fait
de belles aussi.. Vous avez bien réussi...
— Alors tu prends pour Claude, demanda
la vieille, il a bien fait de battre ta fille?...
— Je ne dis pas cela, mais Claude a
perdu patience, il y a un bout à toujours plier. Je suppose qu’il n’en est pas
capable et cela l’a apaisé un peu...
— Oui, il s’est vengé sur sa femme,
reprit la vieille. Dis donc qu’il pourra prendre « une hart » la prochaine
fois.
— Il aurait dû en prendre une, il y a
longtemps... Mais si nous avions commencé par élever notre fille et ne pas la
gâter, cela n’arriverait pas. Elle saurait que c’est à la femme à plier, à être
prévenante et affectueuse, mais encore une fois je sais que je parle pour rien...
vous ne m’écouterez pas, vous continuerez comme vous avez toujours fait... Lire le livre
Les éditions Édouard Garand
Voir aussi : La petite maîtresse d'école