Laure
Berthiaume-Denault, Marie-Jeanne,
Montréal, Beauchemin, 1937, 89 pages. (Préface de Marius Barbeau)
Les
Lavigueur et les Hubert sont voisins… mais en chicane pour des raisons
politiques. Or, Jean-Marie Lavigueur et Marie-Jeanne Hubert s’aiment et se voient en cachette. Leur vie bascule quand le père de Marie-Jeanne meurt des
suites d’une ruade de cheval. La famille Hubert est en sérieuse difficulté puisque que la mère est à moitié paralysée.
Une
riche bienfaitrice, Hermeline, prend la famille sous son aile. Elle accueille chez elle la mère et deux des enfants — dont Marie-Jeanne —, les autres étant
recueillis par un orphelinat. Le jeune frère d'Hermeline est docteur et habite aussi avec elle. Il est très sensible aux charmes de la
jeune Marie-Jeanne, de neuf ans sa cadette. Il finit par lui déclarer son amour,
un sentiment que la jeune fille partage. Quant à Jean-Marie Lavigueur, l'ancien amoureux, il
se console rapidement auprès de Berthe, la sœur de Marie-Jeanne. J’oubliais : le bonheur est revenu dans la famille Hubert puisqu'un lointain cousin, autrefois amoureux de la mère, lui a laissé une petite fortune en mourant...
Contrairement
à ce que prétend Marius Barbeau en préface, le récit ne présente aucun intérêt
ethnologique ou social. Oui, ça se passe à Ottawa, mais aussitôt dit, aussitôt
oublié. C’est une histoire sentimentale qui épouse le scénario classique :
la jeune orpheline et le prince charmant, la pauvresse et le riche, l’opposition
des parents, l’amour qui triomphe de tout. Et c’est invraisemblable de la
première à la dernière ligne.
Extrait
Marie-Jeanne s’inquiétait, se désolait de se sentir de plus
en plus troublée en présence du médecin. Pourtant, avec mademoiselle Hermeline
elle se trouvait parfaitement à l’aise. Devant lui, au contraire, elle devenait
toute tremblante.
Quand il lui parlait, elle ne savait que répondre. Le
moindre geste la bouleversait.
Durant les absences du médecin, elle venait dans son
cabinet avec Hermeline qui lui choisissait quelques livres. Elle lui mit entre
les mains d’abord des ouvrages quelconques, puis, des livres plus sérieux qui
produisirent un grand effet sur son esprit, Marie-Jeanne s’y intéressait
ardemment. Son intelligence se développait rapidement.
Mademoiselle Hermeline ne pouvait que s’étonner des progrès
de sa jeune amie.
— Si j’avais une fille, répétait-elle à son frère, je
l’aurais voulue telle que cette enfant.
Le cabinet de travail du médecin charmait Marie-Jeanne par
ses innombrables bibelots.
Le grand mur de gauche était couvert de livres; les autres
attiraient les regards par leurs décorations originales.
La jeune fille s’y était vite accommodée. Elle s’arrêtait
volontiers devant quelques eaux-fortes finement encadrées, une reproduction du
« Saxophone » de Vertès ou un sketch de Duguay, ou encore devant des portraits des
musiciens préférés. Il y avait aussi une collection d’auteurs et de peintres
canadiens-français.
Cette ambiance lui faisait presque oublier son
village.
Pourquoi aimait-elle à venir là et à s’y attarder?
Le savait-elle?