Alphonse Désilets, Mon
pays, mes amours, Québec, Chez l’auteur, 1913, 148 pages. (Préface
d’Albert Ferland)
En
1913, de véritable poète du terroir, il n’y avait que Pamphile Lemay. Désilets
lui dédie le premier poème du recueil. « J’ai fait le rêve ardent de vivre
de ta vie, / Vieux maître vénéré qui m’a fait goûter mieux / L’idéal splendeur
de la langue des Dieux : / Tu m’auras dit la route et je l’aurai suivie. »
Albert Ferland, dans sa préface, souligne fortement le lien entre le
patriotisme et le terroir, divisions scolaires bien peu étanches tout compte
fait. « Poètes de la Laurentie, mettez-vous en contact avec la bonne terre
et chantez! Hâtez-vous de cueillir la
fleur du Terroir. Ma foi, mes héros, mes légendes, mon sol jeune et
fort, pour vous, poètes, quelle forêt de vierge poésie! ».
Le
recueil compte trois parties.
Âmes et choses de chez nous
Les
poèmes, de forme classique (beaucoup de sonnets), ont pour sujets, la terre, le
pain, les Bois-Francs, les devoir du poète, la maison abandonnée, le vieux banc,
la dévotion aux morts, la beauté de l’hiver, les joies du temps des fêtes, le
retour du printemps, le temps des sucres, la légende des cloches, un appel aux
déserteurs. « Tout ce qui fait enfin ta force et ton orgueil, / Ton credo,
ton pays, ta langue maternelle, […] / Revivra dans ta race à la sève éternelle »
(La Laurentie)
Nos douleurs et nos joies
La
joie est plutôt rare et de nature religieuse. « Religion du Christ, venue
au nom du Père / Pour adoucir nos pleurs… » La joie, c’est celle des
« élus » en face de Dieu, « l’Aliment des élus ». Si la
joie n’est pas de ce monde, la douleur y est bien présente. Ce sont surtout les
faibles, les gueux, les pauvres, les vieux qui la vivent. La douleur, il faut
l’accueillir avec résignation : « Je ne lèverai point, ô
sublime douleur, / Contre ton saint fantôme une main qui repousse; / Je te
laisserai faire et tu me seras douce / Bien que je sente un peu l’effroi
prendre mon cœur. »
Amours chantés
Cette
partie, consacrée à l’amour, commence (Le baiser des saints) et se termine par un
poème d’inspiration religieuse (Stella matutina). Heureusement une femme finit
par apparaitre dans le décor. On a droit aux étapes habituels du cheminement
amoureux : la femme rêvée, la rencontre (« Elle est bonne, elle est
belle, elle est douce, elle est femme! »), les promesses (« Quand
vous aurez vu ma maison / Vous saurez combien je vous aime; / Elle sera pour
vous l’emblème / De la plus douce affection. »), l’abandon (« Elle
m’avait paru sincère / Et je l’aimais comme une sœur / Hélas! elle a trompé mon
cœur, / Cette hirondelle passagère! »)
Recueil dont le plus grand mérite, c’est d’être paru avant
beaucoup d’autres qui vont reprendre les mêmes thèmes. Toujours en 1913,
Blanche Beauregard va publier ses Visions
gaspésiennes.
Nos Bois-Francs
Au barde d’Arthabaska,
M.
Adolphe Poisson
Ils ont gardé l’aspect
rustique des vieux âges,
Les monts et les
forêts du cher petit pays :
La source chante
encor dans l’ombre des taillis
Où s’embusquaient
jadis les grands guerriers sauvages.
Nous avons
conservé l’amour des vieux adages,
Des naïves
chansons et des « patois » vieillis.
Notre foi vive
est comme un levain de maïs
Transmis de père
en fils avec les héritages.
Nos vieux parlent
souvent de ces premiers colons
Au geste fier et
doux, dont l’histoire et les noms
Sont écrits pour
jamais au fond de leur mémoire.
Et peut-être
qu’un jour quelque barde pieux
Au souvenir ému
des robustes aïeux
Chantera leurs
travaux dans un hymne de gloire !