28 octobre 2020

Les guérets en fleur

Ulric Gingras, Les guérets en fleurs, Montréal, Edouard Garand, 1925, 192 pages.

Le recueil est dédié à M. Philippe Bigué, avocat, C. R., « bienfaiteur de la jeunesse sportive trifluvienne ». Gingras précise en sous-titre que son livre contient des « poèmes du terroir ».  

 

Et les premiers vers du poème liminaire sont assez explicites. « C’est encore et toujours mon pays que je chante, / Mon village natal, son clocher, ses maisons ».

 

Le recueil contient six parties. Je vais me contenter de citer quelques titres de chacune d’elles, tant le contenu est prévisible. En plein terroir contient « La maison paternelle », « Les faucheurs », « L’épluchette »… Au vent qui jase nous donne à lire : « Orage d’été », « Tristesse d’automne, « Nocturne »… Les aveux nous offre des « Vers écrits au bas d’un vieux missel », des « Souvenirs » et la description d’une « Ancienne peine ». Croquis et pastels présente une série de petits tableaux pastoraux : « Mon village », « En forêt », « Le meunier de chez nous ». Suivent deux contes écrits en vers : « L’étranger », et « Grigou ». L’épilogue est dédié « À une gente lectrice ».

 

Bref, oui plusieurs poèmes du terroir, mais enrobés de romantisme. Et d’autres poèmes qui ne sont que romantiques. 

 

Mon village

C’est un tout vieux village au flanc de l’Etchemin 

Suspendu comme un nid à quelque vieux mélèze. 

De très vieilles maisons en bordent la falaise;

Un vieux Calvaire invite à prier en chemin.

 

Un vieux clocher tremblant y sonne en fa dièse 

Un doux vieil Angélus à l’accent presque humain. 

Un moulin poussiéreux comme un vieux parchemin, 

De l’injure des ans, semble se rire à l’aise.

 

En paix, de vieilles gens y finissent leurs jours, 

Concevant que bientôt la mort sombre et cruelle 

Brisera le lien de leurs vieilles amours.

 

Voilà de ce lieu cher une esquisse rebelle. 

Qu’importe ! qu’il soit vieux et d’un aspect banal, 

À l’homme rien ne vaut son village natal!  (p. 149)

 

Ulric Gingras sur Laurentiana

Les guérets en fleurs

La chanson du paysan

Du Soleil sur l’étang noir

21 octobre 2020

Stances à l’éternel absent

Jeannine Bélanger, Stances à l’éternel absent, Hull, les Éditions de l’Éclair, 1941, 150 p.

Le recueil est dédié à ses parents. Commençons par la préface. « L’auteur de ce recueil n’a jamais eu l’ambition de révéler des formules d’art. Une femme en est incapable. » Le topos de la modestie est un grand classique dans la poésie du début du 20e siècle, mais ici on vient de lui donner un genre ! Après avoir décrit sa démarche poétique, du vers libre au vers classique, elle signale « l’anomalie » que constitue la fréquentation de la poésie dans un monde en guerre. « Comment rester sereins devant ces blessures qui nous transpercent ? La France vaincue c’est tout ce que, dans la poésie et dans la vie, nous avions de plus cher, c’est tout ce que nous tenions en plus haute estime qui s’écroule pour un temps ou qui s’anéantit ! »

Le recueil compte six parties. « Petites stances », « Vers pour une enfant », « Cinq lieder », « Les stances », « Divers poèmes », « Et cinq poèmes de mon pays guerrier ».

Dans la première partie (Petites stances, Vers pour une enfant), Belanger nous sert des petits tableaux plutôt fantaisistes dans lesquels priment l’exaltation de la nature, sa beauté. Il ne faut pas y chercher de grands messages, c’est plutôt la recherche d’une forme très chantante qui semble intéresser l’autrice. Le vers est court, très rythmé. À titre d’exemple, le poème intitulé « Désir » : « Être le pli fugace / De la source / L’onde / Qui fuit, / Dont la pâleur / Agace / L’ombre / De la nuit ! » Comme on le constate, rien de transcendant, sinon la recherche d’un rythme, d’une harmonie sonore. Dans sa préface, Bélanger écrivait : « Car, ne l’oublions pas, dans l’ordre de la forme, c’est le tympan – et non la rétine – qui est le principal, l’unique critère de l’harmonie et de l’orthodoxie des vers. »

Dans la partie centrale (Cinq lieder, Stances), on entre dans les poèmes amoureux. Un amour difficile, puisque l’amoureux semble constamment lui échapper : « Ne me repousse pas, tu n’en as pas le droit : / Car ton âme est mon âme, et ma vie, c’est la tienne. / Je suis à toi, je suis à toi, je suis à toi. » « Vous reviendrez un jour, j’en ai la certitude, / Avec un abandon plus doux qu’un repentir ». 

Enfin, dans la dernière partie (Divers poèmes, Et cinq poèmes de mon pays guerrier), l’autrice sur un mode très lyrique nous plonge dans la détresse qui l’habite. Il y a encore le sentiment de l’amour perdu, mais aussi la recherche d’une consolation. Dans le poème intitulé « Prière », tout se passe comme si la figure du fiancé perdu était transfigurée pas sa foi : « C’est lui en Toi, bouquet du soir, parfum de roses, / Pour me bercer heureuse à l’ombre de Son cœur ! » Dans les poèmes qui viennent clore le recueil, la guerre n’est tout au plus qu’une autre image de sa douleur, du vide, de la solitude.





14 octobre 2020

Louise Pouliot

Le 1er novembre 2010, j’ai publié un compte rendu de l’ouvrage de Louise Pouliot, intitulé Portes sur la mer. (SUIVEZ CE LIEN). Je déplorais à l’époque le peu de connaissances qu’on avait de cette autrice. Voici que, dix ans plus tard, sa fille Léna Béland vient combler le vide en nous offrant un cv qui date de 1969 et deux belles photos de sa mère. 





9 octobre 2020

Les jeux incompris

 Roch Carrier, Les jeux incompris, Montréal, Éditions Nocturne, 1956, 22 pages.

 

Le premier livre de Roch Carrier (né en 1937) n’est qu’une toute petite plaquette de 14 poèmes. Il n’avait que 19 ans au moment de la publication et, bien entendu, ça se voit, ça s’entend. 


C’est peut-être moins vrai aujourd’hui, mais à l’époque il y avait des mots qui étaient pour ainsi dire réservés à la poésie. Chez Carrier, on lit « riblon, remugle, délétère, cotines, rutilant, rocambole, azur, rapin, glèbe, phalènes, nippe ». 

Cela dit, malgré des maladresses, il y a déjà un « écrivain » dans Jeux incompris. Le rebelle de La guerre, yes sir est aussi déjà là, dès le premier poème, intitulé « Moi ». « Moi je me moque des grands arbres / Qui me font des toitures d’ombre / Et je prends un plaisir fou / À fredonner des romances insolites / Aux oiseaux gouailleurs ». Le jeune auteur semble avoir des difficultés à renoncer au monde de son enfance : « Je songe à nos hardies balades en montagne / À nos secrètes cavernes de neige /…/ Tous ces bonheurs qu’il a fallu renier ». Vieillir, s’instruire, c’est renoncer à un état d’esprit mais aussi à une certaine culture : « Un adolescent au bord du chemin / Serre une vieille image sur son cœur ». 


Pour le reste, ce sont des poèmes qui parlent du désir d’apprivoiser cette nouvelle vie : « Avant la somptueuse maturité des vignes / Il fallait / Éparpiller les rêves d’abondance encore / Il fallait / Qu’on enseigne à mes mains / Le geste aveugle d’empiler la récolte dans le grenier. » Et aussi, les derniers vers du recueil : « Mon cœur est bien plus grand qu’un cœur d’enfant / Mes bras ne pouvaient enlacer toutes ses amours ». 

 Roch Carrier sur Laurentiana

Cherche tes mots cherche tes pas

Jolis deuils 

 

2 octobre 2020

Trois poèmes - Gladu

Paul Gladu, Trois poèmes, Montréal, Éditions du Manitou, 1952, n.p. [12 p.] (Dessin de la couverture de Roger Comtois).

Le recueil compte trois poèmes.

Chant d'amour

Le poème est un plaidoyer amoureux. Le poète promet à sa bien-aimée de l’aimer, corps et âme. « Non seulement tes lèvres, mais je veux ta chanson… » Cet amour sera si grand qu’il rayonnera sur elle, faisant ressortir sa beauté aux yeux de tous. « Mon chant va continuer, et beauté connue de tous, ton vrai visage paraitra. »

Manolète

Manolete est un célèbre toréador espagnol (1917-1947) décédé dans l’arène. Gladu entre dans l’esprit du toréador, le suit dans ses derniers moments. Chacun de ses gestes est mesuré, le fruit d’un long travail, le « parfait mariage entre esprit et corps ». Pourtant rien n`y parait, le « réel est secret ». Comme il se sent loin de son public qui réagit aux moindres de ses gestes! « Mon âme n’est point dans ce salut, mon âme s’amuse loin de vous… Anna seule connait mon âme… ». Le poème se termine par le chant de sa bien-aimée : « Quelle fleur espérer de ce corps frémissant / Quand ce tombeau de sable aura bu tout son sang ». Les passages narratifs alternent avec les passages poétiques.

Première neige

Le poème, contrairement au premier, est rimé. L’auteur s’adresse à une femme, qui semble toujours lui échapper, et l’enjoint à sortir de sa torpeur, à se lancer dans la vie. « Quittez ce lit, navire à jamais échoué : / L’âme y défait un nœud sans cesse renoué. // Il faut d’un talon brusque abandonner les ombres / Et sous l’astre léger suivre des pas sans nombre! »

Sur Paul Gladu :

« PAUL GLADU Paul Gladu est né à Montréal. Il fut, pendant une vingtaine d'années, critique d'art attitré de divers journaux et revues de Montréal. Auteur de Henri Julien (Éditions Lidec), René Gagnon (Galerie des Peintres Canadiens) et Stanley Lewis (Éditions Jack Mintzberg). Juge dans divers concours artistiques, à travers le Québec, il demeure très actif dans le milieu des arts au Québec et, plus spécialement, à Montréal. » (Paradis, A. (1975). Un art qui naît de la poésie. Vie des arts, 20 (80), 14–1