27 mars 2020

Sérénité

Françoise Massicotte, Sérénité, Montréal, s.e., 1959, 122 pages.
Le recueil commence par six pages de « témoignages ». En fait, ce sont les opinions de lecteurs et lectrices qui ont lu le manuscrit de Massicotte (née en 1927) avant sa publication. Tous et toutes sont très positifs mais, sauf Gilles Vigneault, ils n’appartiennent pas à l’institution littéraire.
Il y a 102 poèmes, presque tous bien rimés, répartis en six parties, non titrées. Une page blanche en établit les limites. On trouve parfois des sonnets.
Le recueil porte bien son titre. Dans la première partie, Massicotte évoque tous les éléments qui lui procurent de la sérénité : l’expression de soi, la communication, l’art, la nature, l’amour, la religion sont les moyens d’y parvenir. Et si quelque malheur se pointe, il suffit de faire preuve de résilience. 
L’amour est le thème de la seconde partie. On y retrouve les motifs habituels, de l’attente en passant par l’extase jusqu’à la déception. «  Le Soleil de votre âme a gagné mon sourire, / mes ardeurs, mon espoir, le secret de ma lyre. / Le Soleil de l’amour, voilà le vrai soleil! » Ou sur le mode de la résilience : «  Automne, triste automne, / rendez-moi les beaux jours! / Je veux, moins monotone / croire encor à l’amour. »
La troisième partie est plus sombre. Le thème est la recherche de soi, une quête parfois douloureuse pour la poète. Elle questionne certains choix qu’elle a faits : «  Autour de toi / rien que la solitude, / l’oubli / dont tu t’accommodes / hélas! si mal, / parce qu’ils te privent / de ce qui t’est dû / parce qu’ils t’empêchent / de produire; / parce qu’ils te refusent / de devenir Toi. »
Dans la quatrième partie, on change complètement de registre. La poète célèbre le pays. Des poèmes (parfois de circonstances) sont consacrés au Québec, à Percé, à Champlain fondateur de Québec, à la Vierge de Lourdes patronne du Québec, aux Rocheuses…
La cinquième partie est portée par la religion. Les grandes fêtes religieuses  comme Noël, le jour de l’An, Pâques ont droit à un poème.  Quelques poèmes se veulent des prières (Ave Maris, Deo gratias), d’autres sont l’occasion de partager certaines croyances, par exemple sur l’idéal féminin.
La dernière partie apparaît comme un épilogue, qui reprend l’essentiel du recueil. Je cite la dernière strophe. : « Foi, paix, noblesse, acquisition, / Art, génerosité, amour, satisfaction : / Les heures de la vie ont chacune leur âme. / Il suffit simplement d’en posséder la flamme. »
Sèrénité souffre du même mal que plusieurs recueils qui ne sont pas passés par les mains d’un éditeur sérieux. Beaucoup de poèmes auraient dû être abandonnés. On trouve ici et là des petits poèmes, libérés de la rime et de la métrique, tout légers, qui nous laissent entrevoir la poète que Francoise Masssicotte aurait pu être. 

20 mars 2020

Objets de la nuit

Jean-Paul Martino, Objets de la nuit, Montréal, Quartz, 1959, n.p. [40 p.]

Le texte commence sur la page de couverture et se poursuit sur la quatrième de couverture. Les marques habituelles de l’édition apparaissent sur un petit carton au verso de la quatrième. 

On ne reprendra pas ici ce qui a déjà été dit sur Martino et ses influences dans le compte-rendu que j’ai fait d’Osmonde en 2015. Les deux recueils sont assez semblables. 

Les textes d’Objets de la nuit vont du très lisible au plus obscur surréalisme, oscillent entre le récit poétique et le poème. Le premier texte pourrait être considéré comme un poème liminaire. On y lit à peu près le parcours de Martino dans son recueil, du passage par «  la nuit humaine peuplée de débris informel » jusqu’à  « l’équilibre d’incohérences abstractions ». Le second poème est un pied-de-nez aux Dieux et peut-être aux religions trop occupées à débattre de  l’esprit du mal.

Suit une longue nouvelle divisée en neuf courts chapitres ou parties. Ceux-ci sont numérotés sauf le premier. Le troisième  reçoit un titre en plus du numéro. Le terme « nouvelle » n’est peut-être pas approprié, on pourrait parler de prose poétique, même si certains passages donnent dans le narratif le plus élémentaire. Au début on dirait un récit du terroir. Le narrateur évoque le retour à  la terre des années 1920 au nord du Québec, en Abitibi et au Témiscamingue. On croit comprendre que ce lieu s’appelle  « Kliklantin ». Et que raconte cette prose poétique? La vie d’un enfant qui se retrouve dans un pays de colonisation : il y a la grandeur de la nature, mais ce que  l’enfant retient surtout, ce sont des scènes d’horreur : des animaux qui s’entredévorent, l’attaque d’un ours contre leur maison, un incendie de forêt, la mort d’un vieil homme, la vie des colons qu’il compare à des « naufragés […] à l’intérieur des terres ». 

Dans les poèmes qui suivent, Martino va décrire un monde qui se décompose devant nous. « L’enfant sans univers » va  s’unir aux « adolescents manchots », en «  marchant sur la nuit de l’enchère luciférienne », avant de plonger dans les « émiettements de rêves dans le casse-noisettes ». À partir du milieu du recueil, plusieurs poèmes sont séparés par des signes qui ressemblent aux caractères chinois. Ou à des signes cabalistiques. Le récit se perd, le sens se déconstruit, on entre dans des textes de plus en plus surréalistes. L’écriture s’accorde au contenu, donc plonge dans l’indicible. « La jumelle sur l’échasse de ses cours / Greffe aux glaciers naviguant libres ». « Les châteaux d’angora chôment dans l’enclos aux apparitions ». Malgré tout, on repère ici et là des passages où l’on reconnaît des thèmes  (l’amitié, les relations amoureuses, la nature). Le recueil se termine par un poème intitulé « Ballade des Kliklantin » qui donne complètement dans le non-sens. « Le cœur aux joutes déguste ses maigres symboles ».

Le projet n’est pas banal mais le recueil est loin d’être parfait. L’écriture n’est pas toujours maîtrisée, certaines images surréalistes sont plus frappantes que signifiantes. La séparation chaotique des textes et l’hésitation entre les genres créent l’impression d’un travail à terminer.


13 mars 2020

Essais poétiques (Plante)

Gérard Plante, Essais poétiques, Montréal, Beauchemin, 1959, 62 p. (Préface de Guy Boulizon)

Les trois parties du recueil ont comme titre : Désespoir, Espoir et Prières.

Mal aimé, moqué, seul, suicidaire : voilà pour le désespoir de la première partie. « L’eau noire, / Moite et troublée / Du canal / Appelle mon / Désespoir. »

L’espoir, de la seconde partie, réside dans la recherche d’une compagne. Rêves romantiques, tendresse, recherche de l’âme-sœur, bref les poncifs de la poésie sentimentale. « La nuit calme abrite nos cœurs / Et, la main dans la main, nous allons / Vers le pâle miroitement de l’astre sur le lac. »

La troisième partie n’est guère différente des deux précédentes, si on oublie les quelques allusions à la religion. Le poète, toujours en quête d’amour, laisse parler son cœur en toute candeur. Il continue sa recherche d’une jeune fille, et il ne faut point douter de la droiture de ses intentions. « Dieu a fait, pour illuminer le monde, / Non seulement Le Soleil / Avec la lune et les étoiles / Qui scintillent dans la nuit, / Mais encor, / Mais bien plus encor, / Dieu a créé la jeune fille, // La jeune fille / Qui doit briller/ Pour dissiper les ténèbres / De la concupiscence… »

La poésie de Gérard Plante (né en 1911) est très nerveuse. Les vers sont courts et découpés. On a l’impression que le poète a disposé en vers de courts textes en prose.

6 mars 2020

Coups de dés

Majorie Mac Cubbin, Coups de dés,  Montréal, s.e., 1954, 77 pages. (Mot de Michel de Ladurantaye)

Marjorie MacCubbin est née à Montréal en 1929. Elle a épousé Gérard Gareau en 1956. Elle a été professeure. Deux ans avant  Coups de dés, elle avait publié J’ai à vous parler.

On se serait attendu à un recueil en six parties, mais il n’y en a que quatre, et elles n’ont pas de titre. Les deux premières sont consacrées à l’amour. L’autrice le chante en toute candeur en s’adressant le plus souvent à son amoureux. « Tu sais m’aimer / À la folie / Je t’aimerai / Toute ma vie ». Le ton ne change guère quand les complications surviennent : « Crois-tu donc qu’il suffit pour me reconquérir / De reparaître ainsi tout à coup sur ma route ». Dans les deux dernières parties, le thème amoureux est moins présent. La nature et le sentiment religieux lui contestent la place. « Une école près d’une église… / C’est bien plus gai pour le Bon Dieu! » Ou encore : «  Sous le soleil qui luit / Les flocons blancs / Scintillent, / On dirait une pluie / De diamants / qui brillent… »


Beaucoup de poèmes sont construits en utilisant l’anaphore. Presque tous sont composés de vers rimés.  Tout ceci est bien léger, plein de bons sentiments, idéaliste et facile à lire, si on apprécie le genre.