Pour
des raisons de santé, Jack Whelem, un jeune bourgeois de Montréal, vient passer
un mois à l’auberge de la Roche pleureuse, sur l’Île-aux-Coudres. Par hasard,
il rencontre Rose Tremblay, une jeune et jolie paysanne qui lui tombe dans
l’œil. Il provoque des rencontres avec Rose, ce qu’elle n’essaie pas d’éviter,
même si elle a déjà un fiancé. Elle l’invite chez elle, elle l’accompagne dans
quelques visites des attraits de l’île. Malgré tout, les parents montent la
garde, ayant peu confiance en cet « étranger ». Tout au plus
réussit-il à lui arracher un baiser avant de retourner à Montréal sans lui donner des explications. L’aime-t-il?
Il ne le sait pas trop. Rose, elle, est éperdument amoureuse.
Rose
est dévastée et se dit qu’une lettre et des explications vont finir par
arriver. Quand finalement Jack lui annonce son retour… elle ignore qu’il
revient accompagné de sa mère. Cette femme de la « haute » ne comprend pas que son
fils, si populaire, se soit attaché à cette paysanne mal fagotée, inculte et
sans manières, qui n’est jamais sortie de son île. Elle est venue pour
convaincre les parents de Rose d’emmener leur fille à Montréal, espérant ainsi
que son fils réalise l’écart social entre elle et lui. Les parents de Rose finissent
par accepter son départ. Le séjour de Rose dans la haute société montréalaise
se passe plutôt mal, on le devine. Et lorsqu’elle revient chez elle, elle est
sûre que Jack ne la relancera plus. Pourtant non, il lui annonce qu’il compte
revenir une fois l’hiver passé, ce qui la déçoit, elle qui attendait une
demande en mariage.
Tout
le monde essaie de convaincre Rose que ce garçon n’est pas pour elle, ce
qu’elle finit par croire. Le destin va
se charger du reste. Elle est atteinte de la petite vérole et elle perd sa
beauté. Son ancien fiancé, Giles, est toujours là, toujours aussi amoureux
d’elle. Quand Jack revient au printemps et l’aperçoit, elle comprend que tout
est fini entre eux. Elle épouse Giles, un gars généreux, qui fera son bonheur,
comme on l’apprend dans l’épilogue.
Malgré
son nom, la famille Willem est francophone ou plutôt bilingue. Jack est un
descendant de « Mathieu-Theodore de Vitré, ce Français felon, qui pilota les
vaisseaux anglais à la traverse de Saint-Roch des Aulnaies, passe la plus
difficile du fleuve St-Laurent, en 1759. » Un aïeul de Rose est mort à cause de
lui, c’est le curé qui le lui apprend.
C’est
un roman sentimental – le prince et la bergère – sur fond d’opposition entre la
ville dénaturée et la campagne qui a conservé ses traditions. Le personnage de
Jack est assez complexe : c’est un petit bourgeois gâté qui est fasciné
par la candeur et la fraîcheur d’une jeune paysanne. Il n’arrive pas trop à
comprendre ce qui l’attire chez cette jeune fille, il n’est pas sûr que ce soit
la jeune fille elle-même, mais peut-être tout simplement l’occasion pour lui de
faire un pied de nez à sa mère et à la société factice dans laquelle il évolue.
Cependant, le personnage de Rose est caricatural : trop naïve, trop facilement
impressionnable.
Bref
malgré des raccourcis dans l’évolution des événements — le départ de Rose —, ce
roman se lit bien, surtout quand on a eu l’occasion de visiter à quelques
reprises la magnifique Île-aux-Coudres.
7 août 1947 |
Extrait
Dans
un canot automobile, un jeune Montréalais accomplit pour la première fois la
traversée des Éboulements à l’Ile-aux-Coudres. Rapidement la terre ferme
s’éloigne. Brisée par la proue de la petite embarcation, l’eau se fend et des
nuages d’écume poudroient de chaque côté. De ses rayons ardents le soleil y
fait briller toutes les couleurs du prisme. Dans le lointain, des champs
immenses aux tons de verts changeants comme ceux des forêts qui boisent les
montagnes. Les yeux du jeune homme sont rivés à la féerie verte et dorée. A la
frange des nuages, des reflets de feu sont venus s’accrocher tout de suite
après l’orage de l’après-midi.
Il a
si souvent entendu parler des beautés naturelles de ce coin de terre historique
du Québec, qu’à l’avance il est blasé: les vrais citadins sont souvent rebelles
au charme des somptueux décors de la nature. Cependant, il ne peut s’empêcher
de trouver que la réalité dépasse de beaucoup tout ce qu’il a imaginé. La bise
est fraîche malgré la chaleur torride qu’il faisait à terre En quelques minutes
le poudroiement de l’eau cesse, l’embarcation décrit un demi-cercle et touche
le quai de l’Ile-aux-Coudres. (p. 9-10)
Laetitia Filion sur Laurentiana
Amour moderne
Yolande la fiancée
Laetitia Filion sur Laurentiana
Amour moderne
Yolande la fiancée