30 mars 2018

Poèmes (Groulx)


Gilles Groulx, Poèmes, Montréal, Orphée, 1957, n.p. [40 p.] 

Et : Poèmes, Montréal, Les Herbes rouges, Novembre 1973, n. p. [48 p.] précédé de : « l'inquiétude énergie » de Patrick Straram et de : « Et pourquoi ne pas parler de poésie? » de Madeleine Gagnon et Jean-Marc Piotte; suivi de : [sans titre] de Denis Vanier. (deux illustrations de Groulx)

Le recueil original compte 18 poèmes. Ils sont tous datés. Ils ont été écrits entre octobre 1953 et mars 1954. Beaucoup de mots inventés et une certaine disposition des vers (en escalier, en retrait), des poèmes seulement au verso des pages, voilà ce qui caractérise le recueil... à vue d’œil. 

Issu d'un milieu modeste, c’est en fréquentant Gauvreau et les automatistes que Gilles Groulx (1931-1994) commence sa carrière artistique. D’abord peintre, il écrira Poèmes, avant de se consacrer au cinéma, dont il deviendra l’une des figures marquantes dans les années 60.

Comment lire des poèmes, probablement composés, selon les principes de l’écriture automatique? Doit-on essayer de saisir le sens, parce que toujours sens il y a? Ces questions se posent encore plus après avoir lu la préface (?) marxiste situationniste de Patrick Straram et la postface (?) de Denis Vanier dans la version remaniée publiée aux Herbes rouges en 1973.  « L'éthique de Groulx est trop profonde aux analystes séniles d’une culture retardée et vendue d'avance. » (Vanier) Pour Madeleine Gagnon et Jean-Marc Piotte, Groulx apparaît comme un héritier de Refus global et un précurseur du grand brassage idéologique des années soixante.

Disponible sur la BAnQ
Straram a raison de faire un rapprochement entre les poèmes et le cinéma de Groulx. « Au niveau de la critique, il faut être aveugle ou menteur (pour se protéger) pour ne pas voir et entendre et ressentir et comprendre la continuité qui s'établit, superbement et extrêmement solidement, des "Poèmes" aux films de Gilles Groulx le Lynx inquiet. » 

On sent la critique sociale beaucoup plus qu’on la lit en parcourant les mots disposés sur la page. Parce que ce que l’on lit, c’est moins un texte que des suites de mots. Dès le premier poème on est plongé dans ce qui ressemble à des insultes, mais des insultes qui passent par le loufoque : « Yeux liés de nibasse / oreilles lomphes de bouffons / fauresques // sentez et mentez / assis: / ronflez ». Ou encore : « fais chiourne au chat bossu / échrate sa tête d’urne / échranque le rebord trempé de son pont-balançoire / fais mine d’attirer vers lui des tonneres blasphématoires ».  On saisit qu’il y a un sujet, une volonté de résistance, une attaque qui veut faire mal. Allons au dernier poème : « la brongue/ urnic / du malin calar / qui sait si bien / moutre / lui calo / sa braise / bruie ». Ici, plus d’attaque, plus de sujet, on est tout simplement dans une suite absurde de mots. Mais des mots pleins de colère, de mépris, qui résonnent fort : « tonnerres blasphématoires, convulsions démentes, lit matraque, larges sauces opiumesques, vrasques hérétiques cyclopéens, etc.»

Toujours dans l’édition de 1973, Madeleine Gagnon et Jean-Marc Piotte écrivent : « Poésie où le sujet est posé — déjà — avant même que les théories lacaniennes et derridiennes fassent leur entrée au Québec, non plus comme représentation mais comme lieu de décentrement et de transformation textuelle. »

Donc beaucoup de mots inventés et une recherche du loufoque dans la composition des nouveaux mots; des mots qui frappent fort et d’autres qui nous plongent dans l’absurde; bref du cinéma verbal, une volonté aiguë de résistance, une mise en cause de l’institution littéraire elle-même.


Le recueil de 1957

Dans le recueil de 1973


23 mars 2018

André Goulet et les éditions d’Orphée

André Goulet (1933-2001) avait brièvement été peintre et fréquenté les automatistes avant de devenir éditeur-typographe. Il a étudié à l’École des arts graphiques et à l’École Estienne à Paris. Il avait déjà édité un livre de Jacques Ferron en 1952 : La barbe de François Hertel suivi du Licou avant de fonder les éditions d’Orphée en 1955, de concert avec sa compagne Andrée Lagacé. Homme de gauche, Goulet et tout un groupe (Depocas, Fournier, Lalonde, Molinari, Préfontaine, Saint-Martin) lanceront Situations (1959-1962) une revue qui prône l’indépendance et le socialisme. Goulet  (ou Goulot ou Goulo, comme l’a surnommé Ferron) éditera au début des années 70 des auteurs étrangers, réfugiés politiques débarqués au Québec. On pourrait penser que Goulet est un double de Roland Giguère, mais non. Goulet fait de beaux livres, avec du papier de qualité (byronic, zéphyr), de facture assez classique, des éditions centrées sur le texte, mais non des livres d’artiste. De plus, il n’y a pas chez Orphée de ligne éditoriale comme chez Erta ou L’Hexagone. Ceci étant dit, Goulet a publié quelques-uns des classiques de la littérature québécoise : Contes du pays incertain et Cotnoir de Ferron, Étal mixte de Gauvreau, Le centre blanc de Nicole Brossard. On pourrait nommer aussi beaucoup d’œuvres qui, sans être des classiques, sont de grande qualité, entre autres celles de Michèle Lalonde.

Toutes les informations ci-dessus proviennent de : François Côté et al. L'antimoine, les éditions d'Orphée : 50 ans de plomb dans la tête / andré goulet 1933-2001 – mémorandum, Montréal, Confrérie de la librairie ancienne du Québec, François Côté et les auteurs, 2002, 58 p. (illustré d'une vignette) « Ce mémorandum est publié à l'occasion de l'exposition hommage à André Goulet, typographe et éditeur, «L'Antimoine, Les éditions d'Orphée : 50 ans de plomb dans la tête» présentée à la Bibliothèque nationale du Québec du 21 avril au 25 mai 2002. Des textes de François Côté, Marc Desjardins, Gaëtan Dostie, Serge Wagner et François Tétreau. Maquette et mise en page de Marc Desjardins. »

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Le Devoir 24 mai 1958

« Reconnu, depuis près de quarante-cinq années, pour la qualité de ses impressions artisanales typographiées au plomb, le typosaure-animateur des Éditions d'Orphée, André Goulet, édite et imprime tout ce qui se veut, se croit ou s'est cru de l'intelligentsia québécoise. 

Le sang, les sueurs, les sécrétions ainsi que les rêves, les talents et vanités de plusieurs générations qui se sont diversifiées, sur la scène de l'écriture, en autant de tendances que le post-automatisme, l'avant-gardisme, le gauchisme, le kagébéisme-réformiste, le vers-librisme, le lyrisme-hard, le modernisme-rock et le classicisme-straight, voient leur pérennité assurée par la double vertu de l'éthyle et de l'antimoine dont seul l'héritier de l'École Estienne possède l'alchimique dosage. » (Yvon Boucher) 

De 1955 à 1959, André Goulet publie seize recueils de poèmes aux éditions d’Orphée. Les auteurs devaient participer aux frais, ce qui en fait des demi-compte d’auteur. J’ai déjà blogué certains recueils et, dans le cadre de mes lectures de la poésie des années 50,  je vais en ajouter quelques-uns dans les semaines qui viennent.
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1.       Jean-Claude Dussault, Proses. Suites lyriques (1955)
2.       André-Pierre Boucher,  Fuites intérieures (1956)
3.       Jean-Claude Dussault, Le jeu des brises (1956)
4.       Gilles Groulx, Poèmes (1957)
5.       Yves Préfontaine, Boréal (1957)
7.       Henri Prat, Les Sphinx (1957)
8.       Maurice Beaulieu, Il fait clair de glaise (1958)
9.       Jean-Charles Harvey,  La fille du silence (1958)
11.   Jean-Claude Dussault,  Sentences d’amour et d’ivresse (1958)
12.   Ronald Després, Silences à nourrir de sang (1958)
13.   Guy Fournier, Terres prochaines (1958)
15.   Irving Layton, A Laughter in the Mind (1958)

16 mars 2018

Où nos pas nous attendent

Jean-René Major, Où nos pas nous attendent, Montréal, Erta, 1957, 98 pages.

Ayant été rejeté par son amoureuse, Martin Pesant a quitté la ville et le monde intellectuel qu’il fréquentait et s’est réfugié dans la ferme de ses grands-parents, quelque part dans les montagnes au nord de Joliette.  C’est là qu’il a passé ses vacances d’été pendant qu’il poursuivait ses études en journalisme. Les Pesant n’ont qu’un voisin, Magloire Rivet, un bûcheron qui habite avec son fils et sa fille Louise. Plus loin, en forêt, vit un trappeur d’origine autochtone du nom de Simon.

Les grands-parents de Martin espèrent que leur petit-fils reprenne un jour le bien ancestral. Mais Martin, bien qu’il aime le travail sur la ferme, sait bien qu’il ne sera jamais fermier. Au bout de quelques mois, une idylle amoureuse se développe entre lui et Louise, une fille qui ne craint pas d’affronter les loups en pleine forêt. Martin a retrouvé le calme intérieur et jongle avec l’idée de s’installer à demeure dans ce lieu sauvage.   Mais un jour son ancienne amoureuse, Suzanne-la-comédienne, vient le relancer avec un ami : on lui propose de transformer son roman en pièce de théâtre. À partir de là,  plus rien ne tient pour Martin. Même s’il se sent coupable de leur avoir créé de faux espoirs, il abandonne son amoureuse et ses grands-parents et retourne dans son monde.

Le roman est court et très écrit. L’univers physique nous rappelle Thériault, celui de La fille laide et du Dompteur d’ours. Un univers en dehors du monde. Major aborde superficiellement le thème clé du roman de la terre – la transmission du bien paternel - , mais l’essentiel n’est pas là. Comme le fera l’autre Major dans Le Cabochon, il traite de la difficulté de passer d’un milieu social à un autre. Martin, écœuré des manigances des milieux intellectuels qu’il fréquente, apprécie l’authenticité du monde paysan. Il apprécie également le contact avec la nature, la forêt plutôt que la ferme. Il aime bien Louise, cette fille vraie, courageuse, sauvageonne. Mais il finit par comprendre qu’il lui sera impossible de passer sa vie dans ce monde restreint. 

Seul roman publié chez Erta. Surprenant tout de même parce que le roman est très conventionnel. 

Extrait
Depuis son arrivée à la ferme, même auprès des grands-parents bienveillants, Martin s’était senti presqu’étranger. Il avait vécu trop intensément et trop loin d’eux, pendant plusieurs années, pour pouvoir conserver intacte la simplicité de son enfance campagnarde.

Dans cette cabane de trappeur, il était accepté pour ce qu’il avait été. C’est Martin le jeune collégien en vacances d’autrefois que Simon aimait à travers lui. Non pas Martin l’intellectuel dont personne dans cette région, pas plus Simon que les grands-parents, ne se souciait.

Ici, il n’était désormais qu’un homme réduit à l’essentiel de sa condition. Dépouillé de tout diplôme, de tout qualificatif superficiel, de toute renommée, on le jugeait sur ses actes. Gomme tuer un loup, par exemple. Oui, Louise Rivet était bien de ces lieux, elle. Une véritable fille des bois, aux gestes précis, fermes, à qui rien ne faisait peur, ni le dur travail de la chasse ni le danger des bêtes sauvages, parce que l’un et l’autre formaient le cadre quotidien de sa vie. Elle avait sa place dans cette habitation rustique. Les murs de troncs d’arbres à peine équarris, les couvertures aux couleurs vives, le métal des pièges, rien de tout cela ne s’opposait pas à sa beauté solide.

— Mais moi, se disait Martin, même si mon allure ne me trahit pas, même si mon langage est volontairement celui de mes compagnons, j’ai vu trop de gestes délicats, j’ai senti trop d’odeurs subtiles, j’ai entendu trop de conversations raffinées pour leur être semblable. 

9 mars 2018

L’aube assassinée


Alain Horic, L’aube assassinée, Montréal, Erta, 1957, s. p. [44 p.] (Coll. de la Tête armée no 6) (Deux sérigraphies de Jean-Pierre Beaudin)


Le recueil est divisé en trois parties : Évasion (10 poèmes), L’oiseau de pierre (5 poèmes), et Confrontation (6 poèmes).

Le poème liminaire, qui suggère une agression, annonce la tension qui innerve la plupart des poèmes. D’un côté,  on lit : « Poing », « mort », « mille couteaux aiguisés », « corbeaux », « cercueils », « égorgent »; de l’autre : « coq », l’aube », « réveil » et « matinal ». La violence, la mort sont omniprésentes. La figure du coq qu’on égorge sera reprise dans la troisième partie (et donnera même son titre à un recueil ultérieur : Les coqs égorgés, 1972).  

ÉVASION
« Évasion » me semble un titre bien choisi pour coiffer cette partie. Et que veut fuir le poète? Horic reprend la symbolique de l’oiseau en cage de Garneau, du poète dévoré de l’intérieur : « Chaque homme est une cage / un cercueil dedans / qui restera / et un oiseau / qui s’envolera » (La tourmente). Mais ce mal, qui condamne à la solitude, est ressenti partout autour de lui : « Je me regarde dans le visage / d’un autre / et me découvre / … / Je suis / dans toutes les jambes qui marchent » (L’humain). Le fin du dernier poème, « Dérive », décrit en quelque sorte un plan d’évasion : « Je suis l’appel des profondeurs / le vent / plein les voiles // Pour aborder l’autre rive / qui défie le temps ».    

L’OISEAU DE PIERRE
Il y a aussi un pressant désir de vivre qui cherche sa voie : « J’amène une femme enceinte / frapper tous les cœurs / pour trouver le chiffre / de la fraternité humaine » (Fraternité). Mais tout autour, c’est la désolation la plus noire (voir l’extrait). L’oiseau de pierre, c’est un oiseau qui ne peut plus s’envoler, aussi bien dire un oiseau mort.

CONFRONTATION
La dernière partie développe ce qui était déjà annoncé dans ce qui précède. Le sujet cherche une voie de sortie, sans la trouver vraiment. Tout au plus, espère-t-il « une nuit d’encre / pour couvrir / toutes les misères du monde » (Une nuit).

Lueur matinale

Tous les coqs sont égorgés
voiles crevées

Personne ne chante
personne ne remue

Les oiseaux envolés
visages effacés

Seuls les feuillages
improvisent ma couche

Je vois poindre
le soleil
et la mort

ma dernière chance

2 mars 2018

Au catalogue de solitudes

Françoise Bujold, Au catalogue de solitudes,  Montréal, Erta, 1956,  29 p. (Collection de la tête armée no 5) (Trois gravures de l'auteure)

Le recueil de Françoise Bujold (1933-1981) compte vingt poèmes. Certains titres méritent d’être signalés : « Bravo pour le sage », « Les santés se suicident », « C'était donc ça la sainteté... », «  J’ai tué l’incohérence ».  En exergue, elle cite un passage des Proverbes, dans l’Ancien testament : « C’est ôter son manteau par temps froid / C’est verser du vinaigre sur une plaie / Que de chanter un air à un cœur affligé. » Ironie, persiflage, affliction : on a déjà une idée de l’état d’âme du poète et de sa réaction face aux problèmes qui l’affligent.

Dans le premier poème, le sujet apparaît comme un être brimé, contrecarré dans ses projets : « J’ai voulu témoigner ma présence aux premiers gestes de la terre / Ils ont fermé sur moi une porte de pierre / Ils ont inventé des chansons pour enterrer ma confession /  La cruauté d’une main d’homme sur ma bouche / A tué la vision ». On reviendra sur le  « ils », mais on peut penser que c’est davantage l’artiste que la femme qui est brimé : « Donnez-moi une journée sans nuit / Je vous promets de la beauté et de la musique / Je vous promets des crayons usés et des feuilles écrites ». Le sujet admet qu’elle n’a pas toujours joué franc jeu et il est bien difficile de dire si elle y a été forcée  : « J’ai divorcé la vérité / J’ai joué le feu comédie ». Plus loin dans le recueil, on a l’impression que la problématique se déplace, des aspirations artistiques vers le désir amoureux. Il y a encore ces « ils » trompeurs, mais la poète admet non sans bravade qu’elle joue le même jeu : «  Je joue généreuse / Mais je ne le suis pas / Ton apprivoisement  /  Souviens-toi  / Ta mort au désert me sera dite ». Au final, l’amour n’est qu’un jeu de dupes, hommes et femmes, tout le monde ment : « Et les hommes avertis / Jouent l'amour-comédie / Vous mentez! /  Vous mentez ! / Vous mentez! ». Et cela encore, à propos des hommes : « Car les hommes sont toujours assez mal préparés à l’amour. »

Plus loin encore dans le recueil, la problématique semble déborder la relation homme-femme. On retrouve quelques personnages symboliques dont certaines figures féminines  - la « mer » et la grande « dame blanche » - qui semblent des figures d’autorité, aussi castratrices  que les figures masculines. Ainsi dans le poème  « Pourquoi nous avoir profanés » : « Mais la mer / Grande et cruelle femme drapée de noir / nous a déshabillés / Nous a profanés ». Face à ces figues fortes se dresse la « fille-sève ». Dans les poèmes « Veille », « Histoire de bonheur » et même « Les nuits hymen », on pourrait penser qu’il s’agit d’une relation mère-fille, et la « fille-sève » constate que la « dame blanche », qui veut lui en imposer, n’est pas heureuse, donc n’a rien à lui apprendre.

Bref, à défaut d’interprétations précises, on peut dire sans risque de se tromper que Bujold décrit un monde cruel, dans lequel les êtres sont en lutte les uns contre les autres, chacun essayant de profiter de l’autre, les plus forts écrasant les plus faibles, les plus faibles piégeant ceux qui se croient les plus forts.  Le dernier poème semble pointer une voie de survie, celle de la fuite :

Elle est partie,
Toute belle
Ses manies violettes
Ses valises aux dentelles
Ses mains faites
De maquettes nouvelles
Schémas de clefs aux cœurs entr'ouverts
Une barrière d’évasion
Pour les désirs prisons
Elle a fondé les filles-cœur
Qui chantent l'amour et font le beurre
En échange d'épées aux sentinelles distraites
Elle a glissé un dieu de miel
Et la tête à l’envers
Un prisonnier l'a couronnée
Si elle était restée
La terre aurait encore le cœur vert
Et les doigts verrouillés
Si elle était restée
Des galeries en rouille
Germeraient encore
Les batailles-brouille
Elle est partie
Toute belle.