Jean-Guy Pilon, L'homme et le jour, Montréal, Éditions
de l'Hexagone, 1957, 53 p.
Le recueil compte deux parties.
La première ne porte pas de titre alors que la seconde, intitulée Visages de la terre, contient
neuf poèmes en prose.
On est porté à lire cette poésie
au regard du contexte historique de la fin des années 50, même si elle est abstraite,
métaphorique, donc sans lien explicite avec le territoire et même l’histoire. Pilon
évoque une situation conflictuelle, sclérosante, des gens brimés à la recherche
d’eux-mêmes, impuissants, aliénés : « C’était un pays de luttes
inutiles / Et de ruines magnifiques / Un pays rongé par la vermine ». Ce
peuple n’arrive pas à canaliser sa révolte dans une action qui le sortirait de son
marasme. « Cherche avec moi / Les forêts de haut feu / Les pierres de
vengeance / Les jardins de pourriture // Cherche avec moi / Le moment d’y
ensevelir / La mauvaise conscience ». À défaut d’agir, on se contente d’espérer dans un climat d’attente
débilitant : « Nous sommes au point mort / De la désertion tragique /
Nous attendons la parole de délivrance / Sans aider la porte à tourner sur ses
gonds ». La fin de cette première partie est assez ambiguë : après ce qui semble être un combat perdu, l’auteur replonge dans ses désillusions: « Seuls / Avec
l’unique sanglot / Le dernier de la gorge / Qui sut dire les premiers mots
d’amour / Il nous faudra joindre les mains / Et fermer les yeux / Car nous
serons rejetés / De ce doux mais terrifiant jardin / que notre obstination /
Aura voué à la mort ».
Dans la seconde partie, Visages de la terre, l’espoir trouve le chemin de l’agir. Pilon exploite deux motifs qui vont identifier les poètes de
l’Hexagone et leurs épigones : l’âge de la parole et surtout la femme-pays.
« Visages de la terre, quand j’aurai dit vos noms, les fleuves n’auront
pas cessé de polir les rocs oubliés. » Alors que dans la première partie,
Pilon évoquait une certaine lâcheté devant la tâche à accomplir, il espère maintenant une
démarche faite d’authenticité et de dignité : « Je souhaite à
vos fronts si hauts de ne point
connaitre le méprisable refuge du masque ». Ce voyage ne saurait
s’accomplir sans l’accompagnement de la femme : « Femme à la présence
d’oiseau, je devine le jardin fermé sous ton refus sans mot et le violent mépris
avec lequel tu brises les parfums. Je sais que tu m’as devancé aux carrefours
futurs et que ta robe est une voile sur ton corps de mouette. / Je garderai dans mes mains jusqu’à
l’épuisement de toute lumière, la chaleur du pain et le globe pudique de ton
visage de fruit mûr. » Le recueil se termine par un message d’espoir
typiquement hexagonien, marche vers l’amour, marche vers le pays : « N'arrête
pas malgré le réverbère sous la neige, malgré les frontières de la fidélité,
malgré la chaleur indispensable de ton lit. » Et : « Multiples
visages d’une même passion qui prend son haleine dans la violence des sèves et
l’éclat renouvelé des astres, je rapproche de vos poitrines et de la ville les
bras alourdis de la foudre vaincue. »
Ce recueil représente bien ce moment de passage entre la « grande noirceur » et les années soixante. On y voit un homme, confus et isolé, qui cherche sa voie et sa voix pour exprimer le malaise qu’il ressent, qu’il peine à nommer.
Ce recueil représente bien ce moment de passage entre la « grande noirceur » et les années soixante. On y voit un homme, confus et isolé, qui cherche sa voie et sa voix pour exprimer le malaise qu’il ressent, qu’il peine à nommer.
Jean-Guy Pilon sur Laurentiana
L'homme et le jour