Réal Benoit, Nézon, Montréal,
Parizeau, 1945, 129 pages (Illustrations de Jacques de Tonnancour)
Réal Benoit présente 14 contes (?) au contenu plutôt fantaisiste. Les associations gratuites et l'humour absurde nous rappellent les surréalistes : « On jouait Mozart : une sonate pour violon et piano, les deux Menuhin. La perfection même; tout ce qu'il fallait pour vous faire oublier pendant quinze minutes qu'il y avait la terre, et, avec la terre, les maux de dents, les entorses et les garagistes malhonnêtes. » En plus, il grossit les procédés du genre
plutôt que de tenter de les dissimuler. « J’ai commencé ainsi cette
histoire. Elle pourrait commencer tout aussi bien d’une autre façon. » L’écriture est finement travaillé, comme l’exige le genre. Tout cela m'a semblé très inégal, certains textes hésitant entre le récit et l'exercice d'écriture.
Nézon
Un hurluberlu attend
impatiemment une lettre de son amoureuse. Lorsque le facteur la lui livre, il
se précipite dans l’escalier et se tue. En ouvrant la lettre, on découvre
une publicité sur la « maladie des pis de vaches rousses ».
L'Empereur de Chine
Au terme de sa vie, l'empereur
de Chine, entouré de toutes ses richesses, attend le retour de son serviteur
parti à la recherche de la beauté et du bonheur.
Une île en or
L'histoire de deux jeunes qui s’aiment
racontée sur le mode hypothétique.
Paysage
Le narrateur décrit un lieu
retranché qui lui rappelle un ancien bonheur.
Fenêtre ouverte sur le monde
Un médecin accueille dans son
cabinet un homme en crise qui finit par se jeter par la fenêtre.
Allégories
Le narrateur parle de ses
voisins de palier, surtout de sa
voisine dont il est amoureux.
Vlan de Vlan
Un homme « s’est avalé le
nez un soir de pluie ».
Tout en rond, tout en jaune
Un jeune homme quitte sa campagne et finit
comme graine de citrouille dans le « nid d’hirondelles » de deux
Chinois.
Le Grand à Léon
Le Grand à Léon, pour se
venger d’une commère, fait exploser une bombe pleine de fumier qui pulvérise une partie de sa maison..
Une simple histoire
Un homme, heureux en mariage,
rêve de partir, quitte à quitter sa femme qui ne veut pas le suivre.
Morin de Kazabulzua
Cet homme fantaisiste, mi
poète mi fou, a enchanté la vie du narrateur.
Le petit marchand
Il voulait être poète comme
son père. Or, son père était marchand.
Julie
Julie, la belle laitière, a
envoûté le village.
Portraits
Le narrateur trace le portrait
de trois amis farfelus.
VLAN DE VLAN
II s'était avalé le nez un
soir de pluie où la musique des gouttes frappant le toit n'apaisait plus sa
fureur. Rien n'avait pu l'arrêter : ni le ridicule, ni la vanité, ni la
promesse d'un plantureux banquet.
Comme un enragé il avait sauté
jusqu'au plafonnier Empire qui lui avait inondé le visage de clochetons de
verre, — on en voit de pareils et moins beaux dans la boîte à boutons de vos
mères, — et sublime, avec l'œil hagard des chasseurs de lions à la gloire
passée et à la mémoire disparue, il avait fait le geste. Oh !
Ah ! mais qu'on essaie de le
faire. Perdez un nez, perdez le nez, c'est tout comme, dit votre grand'mère,
ouais !
C'est d'abord un grand trou
qui vous regarde : où s'est-il fourré le nez ? Puis la pitié qui vous saisit et
vous fait oublier l'héroïsme...
Puis c'est la danse. Après
tout il faut vivre et que je saute et que je trépigne et que je trempe mon nez
dans le vin... pardon ! J'oubliais... Vlan de Vlan ! (p. 65-66)