Émile
Coderre, Les signes sur le sable, Montréal, Chez
l’auteur, 1922, 136 pages (Préface d’Alphonse Désilets et photo de l'auteur en frontispice).
Émile
Coderre a 29 ans lorsqu’il publie Les signes sur le sable à compte
d’auteur. Son ami Alphonse Désilets signe la préface. Ce dernier ne s’en cache pas, c’est lui qui l’a encouragé à publier son recueil. On
comprend que sa contribution déborde de louanges.
Le
recueil compte six parties. À regarder le titre de chacune d’elles, on serait
tenté d’y voir un cheminement amoureux, d’autant plus que l’auteur dédie le
recueil à sa « femme bien-aimée ». Comme on va le voir, la ligne
thématique est plus complexe.
Solitaire au bord de la grève
Ce
« solitaire au bord de la grève », c’est le poète mais aussi le jeune
homme qui s’interroge sur la fragilité du monde qui l’entoure, aussi bien celle
des êtres que celle des objets. Le tout est enrobé d’un accent de tristesse, de
mélancolie. On sent l’influence de Nelligan : « Et puisque la
souffrance est l’éternelle loi / Ayons notre bonheur à nous seuls dans nos
âmes ».
En attendant l’amour
Selon
le poète, seul l’amour peut combler sa « pauvre âme vide » : « Un
sourire, un simple regard / Nous semblent remplis de tendresse; / Un mot
murmuré par hasard / Est pour le cœur une promesse ». Il y a même un poème
qui s’intitule « Mendiant d’amour ».
Auprès de l’aimée
On
est bien averti au début : « Ne lisez pas mes vers, vous en ririez
peut-être ». Notre jeune homme rêveur s’est donc trouvé une amoureuse et
toute son âme vibre au rythme de sa nouvelle passion : « Les plus
beau vers d’amour ne sont pas dans des livres, / Ils vibrent dans les cœurs que
la joie a bercés » Ou : « Je veux graver ton nom dans l’or de
mes poèmes / Afin que si, plus tard, mes vers sont parfois lus / On sache que
c’est Toi, chère Muse, que j’aime, / Et qu’on te chante encor, quand je ne
serai plus. » Pour la postérité, la belle s’appelait Rose-Marie Tassé.
Loin d’elle
Loin
de l’aimée, les moments difficiles refont surface : l’enfance malheureuse,
la solitude avant de connaitre l’amour. Cette partie se termine quand même par
une réconciliation avec cette vie qui s’est construite sur la
douleur : « Ce ne fut pas en vain que tu semas tant de peines / La
route sombre et dure où s’attardaient mes pas. / Les maux qui m’ont blessé, je
ne les maudis pas; / Quand on a su souffrir, la Douleur n’est point
vaine ».
Les signes qu’un rien efface
Il
invoque la lune, se penche sur d’anciens portraits, observe le jour qui finit…
Bref on revient au début, à la fragilité de l’existence.
Malgré
tous les serments, l’amour finit aussi par se flétrir : « Je t'avais
dit mon âme en des vers pleins d'amour / Et dans tes regards bleus j'avais cru
voir la tienne... / Pourquoi faut-il que tout se brise sans retour / Et que pas
un instant de ces jours ne revienne ? ... »
Dans
un poème, qui fait figure de postface, Coderre rectifie le tir : « Que
m'importe après tout qu'on me raille ou m'acclame / Et qu'en le noir oubli mon
livre soit jeté, / Si mes vers ont su mettre un peu de joie en l'âme / De la
Femme pour qui je les aurai chantés. »
Ce
recueil, que l’auteur a désavoué, n’annonçait rien de bon. Heureusement, les
dix années passées entre Les signes sur
le sable (1922) et Quand j’parl’
tout seul (1932) chamboulent l’inspiration et la manière. Émile Coderre abandonne
la poésie intimiste d’inspiration romantique, devient Jean Narrache et donne à
fond dans la critique sociale grinçante.
Au point
de vue du style, on trouve des quatrains, des tercets, des alexandrins, des octosyllabes,
quelques sonnets, bref une poésie très classique. Le langage est peu recherché et
les clichés littéraires abondent.
Jean
Narrache sur Laurentiana
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