Apollinaire Gingras, Au foyer de mon presbytère: poèmes et chansons, Québec, Impr. A. Coté et cie, 1881, 258 pages.
Apollinaire Gingras était curé de Saint-Edouard de Lotbinière quand il publie ce recueil. Cependant, il est évident que ce dernier est le fruit de plusieurs années de labeur, certains poèmes étant datés des années 1860.
Dans la préface, Gingras emploie un ton plutôt enjoué pour présenter son recueil. À ses dires, il n’a pas de prétention littéraire, sa « démarche [étant] tout bonnement récréative ».
Comme on s’y attend, la poésie religieuse est présente et certains poèmes bibliques sont presque « illisibles » pour un lecteur dont la connaissance de la Bible est sommaire. Mais on aurait tort de penser qu’Au foyer de mon presbytère est un livre de poésie religieuse. Plusieurs poèmes nous parlent moins de religion que de la vie d’un prêtre, souvent déraciné (Gingras a servi dans plusieurs paroisses), de sa solitude, de ses anciennes amitiés entretenues malgré l’éloignement, de ses questionnements, de la lourdeur de sa mission : « Il est, mon frère, un meuble sombre / Qu'en t'éveillant tu vois d'abord : / La nuit dans ta chambre est encor, /— Tu vois au mur la croix dans l'ombre ! » (L’éternel fardeau)
Il faudrait ajouter aussi ces moments difficiles auxquels il est confronté par sa fonction, comme la mort d’un enfant et des parents inconsolables : « De la douleur son front portait la trace, / Et quand son âme exhalait un soupir, / Son œil errant semblait chercher la place / Où le trépas l'invitait à dormir. / La vie avant d'abandonner cet ange. / […] Faisait pleurer sœurs et mère en secret. » (Sa dernière promenade dans le verger)
Gingras est reconnu comme un ultramontain et un conservateur aux idées parfois plus que discutables (en savoir plus sur Apollinaire Gingras), mais ces aspects n’apparaissent à peu près jamais dans son recueil. Bien entendu, il témoigne de sa foi, mais sans se lancer dans des sermons ou des morales étroites. Comme je l’ai dit au début, plus souvent qu’autrement Gingras essaie de faire sourire (lire l’extrait). Par exemple dans le poème « Impertinences à l’eau de rose », il passe en revue tous les auteurs canadiens-français (Lire ce poème), lançant une pique ici et là, sans grande méchanceté toutefois. « Écrivain de bon sens, et qui veux dans la phrase / Mettre la vérité comme l'eau dans un vase, / Dans l’art tu ne vois goutte, et tu n'es qu'un enfant : / Broumbaraboum est là, qui nous prêche avec morgue : / Il faut faire les vers comme les tuyaux d'orgue : / Polis, ronflants, dorés, — mais surtout, pleins de vent. » (Trop de musique – Trop peu de sens).
L’auteur nous présente aussi des chansons (de circonstances, on le devine) qu’il a composées : l’inspiration va de Montcalm, à la cabane à sucre en passant par le presbytère de La Malbaie.
Dans l’épilogue, il avoue avoir longtemps hésité à publier parce qu’il craignait les réactions. Le tout finit, comme cela avait commencé, par un pied de nez. « Allons, mon volume, un effort : / Plonge, hardi, sous l’onde noire : / Qui sait, — la perle de la gloire... / — Évite seulement la mort! (Avant de faire le plongeon)
UN « EXTRA »
Arthur — qui n’a pas inventé
Le râteau ni le télégraphe —
Se présente frisé, ganté.
Chez son ami le photographe.
— Je veux, dit-il, un bon portrait ;
Je veux surtout que l'on y mette
Un petit air fin pas trop bête...
Pour le tout, combien, s’il vous plaît ?
— Voici : pour la photographie,
La bagatelle d'un chelin :
Mais c'est une piastre et demie
Pour l’« extra » du petit air fin !
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