Louis-Joseph Doucet, Palais d’écorce, Québec, Chez l’auteur, 1921, 47 p.
Un Louis-Joseph Doucet typique : des touches de terroir
et de patriotisme, surtout des poèmes personnels et quelques autres de
circonstances.
La vision n’a pas changé non
plus : Doucet est hanté par le passage du temps et la perspective de la
mort. Il n’a que 47 ans et plusieurs poèmes, dont l’éponyme, ressemblent à des
bilans de vie. « Adieu, monde de nos misères, / Je te reprends ma liberté;
/ Je redeviens le solitaire, / Marchant vers une autre cité ». C’est
peut-être ce qui explique que la religion occupe une plus grande place que dans
ses recueils précédents : « Revenez donc Jésus, comme aux jours
hébraïques / Sous votre forme humaine. Il serait temps, je crois, / Que vous
rechargeassiez sur votre dos la croix / Pour traverser, sanglant, le rang des
hypocrites. » Il est assez dur avec lui-même : « Je suis le
rancunier des vertus, des bontés / Que je voudrais avoir, que le ciel me
refuse : / Je voudrais être brave et j’ai l’âme confuse : // Je
voudrais être fort, je ne suis qu’un raté ». Doucet semble avoir quand
même lutté contre un certain désespoir qui hantait son esprit :
« Cherchons la liberté des paroles sincères. / Pendant que nous vivons,
éloignons-nous du mal. / Désaltérons nos cœurs au vin de l’idéal, / Chassons de
nous le fiel, respectons la misère. »
Le recueil se termine par un
texte en prose, en rien poétique, dans lequel Doucet livre son testament
personnel. Il s’intitule : « Pour lire en mes derniers jours »
et il s’adresse à ses enfants et petits-enfants. J’en donne quelques extraits:
« Voici, je suppose, ma
dernière maladie. Ma modeste chambre carrée sur la terre me fait songer à une
autre chambre carrée, encore plus modeste. et plus étroite et dans la terre
cette fois, où le silence que j’aime sera peut-être trop absolu.
On dit que la pensée dominante
d’une existence se résume, la plupart du temps, par une parole à l’instant
suprême. Moi je n’ai pu voir la France comme il faut durant ma vie. il est
juste que j’y pense encore, et je veux que mon dernier sommeil soit bercé par
l’idée d’une France céleste. Vive la France !
J’aurais trop de conseils à
donner à mes petits enfants pour pouvoir les résumer en un seul, tout de même
je leur conseille la bonté et l’économie, économie de santé, de patience,
d’intelligence et d’argent qui donne un peu de fierté et d’indépendance.
Je meurs chrétien, dans la
religion de mes pères, religion bien entendue, sans bigoterie, loin des
préjugés, de l’intolérance, je meurs dans la religion ennemie des principes
équivoques.
— Comme au temps des inquisitions
de ceux qui ne pensent pas comme eux, des bigots sévères se croient délégués
directement du ciel pour régénérer le genre humain par leurs principes absolus,
ce sont les plus dangereux, et pour moi les principes absolus formulés dans les
mots sont rares. Je me suis aperçu de bonne heure, et j’ai préféré l’homme de
bonne volonté.
Si les hommes avaient de la bonne
volonté, les lois civiles suffiraient à gouverner la société, et la religion ne
serait pas une nécessité de moyens.
Le meilleur conseil que je
pourrais donner à mes enfants, il me semble, serait de bien faire ce qui doit
être fait; d’aimer le travail, ainsi que la vie, la vie dont on doit être
content, puisque l’on y peut jouir d’un bon repos après un bon travail, et
bénéficier tous les jours, ou à peu près, du beau soleil dont la seule lumière
est sans prix. »
Louis-Joseph Doucet sur Laurentiana
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