Détertoc (René de Cotret), Les voies de l’amour, Montréal, s.n., 1931, 311 pages.
Le docteur Michel Toinon a invité
des confrères chez lui. Ils se remémorent d’anciens souvenirs du temps où ils
étaient étudiants. Puis, l’hôte de la maison leur raconte sa vie amoureuse. Le
roman débute pour ainsi dire au chapitre 4, page 71.
Michel est fils de notaire et
Andrée, fille de marchand. Leurs deux familles sont voisines, amies et riches. Tout
jeunes, ils jouent ensemble et, un jour, ils se découvrent amoureux et se promettent
un amour éternel lors d’une visite d’église. Ils sont séparés quand Michel suit
ses études de médecine à Montréal. Au début, ils s’écrivent toutes les
semaines, puis les lettres se font plus rares, sans que l’un et l’autre sachent
trop pourquoi.
Michel a un ami : Jean Roy.
Or ce dernier aime secrètement Andrée. Il fait tout en son pouvoir pour briser
le lien entre Andrée et Michel, poussant une fille dans les bras de son ami,
interceptant et trafiquant leurs lettres. Michel, naïf, n’y voit que du feu. Son
amour pour Andrée s’éteint à mesure qu’augmente son amour pour Lucille – et
même pour sa sœur.
Jean, croyant enfin la voie
libre, fait sa cour à Andrée, sans succès. Les études finies, Michel s’installe
dans un petit village, rompt avec Lucille et sa sœur, et tombe amoureux d’une
infirmière. Andrée, dépressive, est à l’article de la mort. La mère exhorte son
fils à lui rendre visite. Aussitôt qu’il la revoit, son ancien amour resurgit. Il abandonne l’infirmière et revient
s’installer dans son village. Jean Roy, repentant, lui révèle son subterfuge. Ils
se marient, ont un enfant et Andrée meurt quelques heures après l’accouchement.
L’action est presque nulle malgré
les 300 pages. Le récit est surtout composé de descriptions et d’analyses :
portrait physique et psychologique de tous les personnages jouant un rôle, descriptions
poétiques de la nature, réflexions sur l’amour et le temps qui passe, analyse des
comportements, de l’évolution des sentiments, des tergiversations du personnage
principal.
Comme c’était le cas dans L’amour
ne meurt pas, les personnages sont d’une sentimentalité exacerbée. On se
croirait au XIXe siècle chez Musset.
Le roman présente des défauts dans
la composition (parfois thématique) ce qui entraîne des retours en arrière et
des répétitions. Il est très bien écrit, entre autres les descriptions de la
nature.
C’est un roman sentimental et il
faut le prendre pour ce qu’il est : les personnages sont beaux et naifs,
le subterfuge de Jean n’est guère vraisemblable. Enfin, je ne crois pas que le roman passerait
le test d’une lecture féministe.
Extrait
Et Michel Toinon commença le
récit de sa vie. « Vers l’an 1872, à quelques lieues de Montréal, sur les
limites d’un grand village de la rive nord du beau St-Laurent, deux riches
propriétaires possédaient des résidences magnifiques. Un large ruisseau
séparait leurs immenses terrains. Les deux propriétaires, relativement jeunes,
et leurs familles étaient des amis intimes. L’un d’eux, Gabriel Toinon,
notaire, dont le père avait accumulé une fortune rondelette dans le commerce du
bois, avait déjà parcouru presque tous les pays et vogué sur toutes les mers.
Il avait apporté de ses nombreux voyages des idées de grandeur et de faste, des
idées peut-être aussi disparates que les différents pays où le hasard l’avait
conduit. L’autre, Maxime Morin, marchand général, s’était amassé un gros magot.
Malgré leur amitié réciproque, les deux voisins cherchaient toujours à s’éclipser
l’un l’autre, et leur rivalité consistait à faire plus beau, plus grand et plus
fastueux. » […]
Gabriel Toinon n’avait qu’un
enfant, un fils qui reçut au baptême le nom de Michel. Cet enfant, c’était moi.
De même Maxime Morin n’avait qu’une enfant une fille .... Malgré mon jeune âge,
je n’avais alors que huit ans, je me pris d’amitié pour l’enfant de notre
voisin plus jeune que moi de quatre ans. Cette enfant me semblait très jolie.
Elle avait de beaux cheveux blonds qui lui tombaient en grosses torsades sur
ses petites épaules rondes. Elle avait de grands yeux d’un bleu velouté très
brillant, un nez mignon, une petite bouche toujours souriante. Elle était
toujours gentille. Sa voix avait déjà un timbre argenté. Sa démarche vive lui
donnait un petit air de papillon qui voltige. » (p. 71-75)
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