Alfred Garneau, Poésies, Montréal, Beauchemin, 1906, 220
pages. (Avertissement d’Hector
Garneau)
Le recueil d'Alfred Garneau (1836-1904) a vu le jour grâce à son fils Hector qui a rassemblé les poèmes de son père, deux ans après son décès. Dans
« l’avertissement », il décrit le grand amour de son
père pour la poésie. Alfred Garneau n'avait publié que quelques pièces au début des
années 1860 dans Le Foyer canadien et
La Revue canadienne. Le reste,
souvent dicté par une circonstance, était resté au fond de ses tiroirs. Il faut
se rappeler que Garneau fut l’ami de Papineau, Marmette, Fréchette,
Gérin-Lajoie. Son style, tellement différent de celui de son époque, peut
expliquer son silence.
Au total, son fils a retenu 45
pièces (dont 12 sonnets) qui couvrent cinquante ans. Par modestie, le fils du
grand François-Xavier Garneau n’avait jamais songé à en faire un recueil.
D’ailleurs, le poème liminaire l’exprime dans la dernière strophe. « Amis, je suis cette
hirondelle / Qui s'est attachée à vos toits : / Voyez, je voltige, j'ai l'aile
; / Mais, hélas je n'ai pas la voix. »
Quand les anthologistes daignent
lui accorder un peu de place, c’est toujours le poème "Devant la grille du cimetière" qui est choisi. Plutôt que de brosser un tableau lugubre d’un cimetière en fin de journée, Garneau nous offre un tableau presque souriant du lieu. L’émotion y est suggérée, sans lyrisme débordant, dans un petit tableau d’inspiration romantique. On est presque en terre parnassienne. Voyez la tristesse qui sourit, le couchant chargé de couleurs, la vivacité des fleurs, la lumière vermeille et cet « oiseau [qui] vole dans le silence ».
Devant la grille
du cimetière
La tristesse des lieux sourit, l'heure est exquise.
Le couchant s'est chargé des dernières couleurs,
Et devant les tombeaux, que l'ombre idéalise,
Un grand souffle mourant soulève encor les fleurs.
Salut, vallon sacré, notre terre promise !...
Les chemins sous les ifs, que peuplent les pâleurs
Des marbres, sont muets ; dans le fond, une église
Monte son dôme sombre au milieu des rougeurs.
La lumière au-dessus plane longtemps vermeille...
Sa bêche sur l'épaule, entre les arbres noirs,
Le fossoyeur repasse, il voit la croix qui veille,
Et de loin, comme il fait sans doute tous les soirs,
Cet homme la salue avec un geste immense...
Un chant très doux d'oiseau vole
dans le silence.
Essayons d’imaginer le même tableau dressé par Fréchette et
nous avons une juste idée de la poésie de Garneau. Camille Roy voit en lui un poète
de transition entre « l’éloquence du vers qui chez nous, s’épuise alors,
et la sobriété calme, plus concise, plus artiste, qui commence ». C’est
une poésie de douceurs, mélancolique, sans tristesses qui parviennent à
détruire la beauté du jour. « Est-il une âme triste et lasse de la vie, /
– Ô les soucis trop lourds à notre humanité – / Qui ne se sente pas pour un
moment ravie / Par cette nuit si belle en sa sérénité ! »
La nature est au cœur de son
inspiration, une nature souvent célébrée pour elle-même, pour sa beauté : « C’est,
en forêt, un lac où règne un grand silence. / Vingt monts aux noirs sommets
soutiennent son bassin ; / Une île çà et là – tel un pâle dessin – / S’estompe
à peine, au ras du flot qui se balance. »
Beaucoup de poèmes ont pour sujet
la femme. Amoureuse, elle tient davantage du rêve que de la chair :
« Il semble que l’on hume, au bord de sa corolle, / Le baiser et l’haleine
et l’âme d’une fleur... ». Mère, elle incarne la générosité :
« Mère au front riant, auprès d’elle / Le bonheur fut fidèle. / Ah ! quel
autre ici-bas, / Quel autre mère fut meilleure / Jusqu’à sa dernière heure
? » Jeune baigneuse, elle exprime la sensualité : « Ô fraîcheur
divine ! ô délices !... / Ses doigts joyeux / Ouvrent frileusement les lisses /
De ses cheveux. » Sœur, elle est quasi une amoureuse : « Ô ma sœur, chaque jour mon âme te désire ; / Au fond de ma pensée en tous lieux je te vois. – / L’enfant au baiser pur, l’épouse au doux sourire, / Ne font pas oublier les anges d’autrefois. » Et pour terminer : « Une sœur est un don du
ciel comme l’épouse ; / Dieu les met dans nos jours pour qu’ils nous soient
plus doux. / L’une de consoler les peines est jalouse, / L’autre est l’ange
d’amour qu’on adore à genoux. » Sa sœur, on le sait, avait épousé Joseph
Marmette.
Tout comme Évanturel, Alfred
Garneau se démarque de son siècle en offrant une poésie plus intimiste. Il n’est
certes pas un grand poète, mais son œuvre toute en simplicité annonce Lozeau et
le vingtième siècle. Il était le grand oncle de Saint-Denys Garneau.
Lire Poésies sur internet.
Je viens justement de relire Lozeau qui m'avait inspiré ceci :
RépondreEffacerhttp://lalitoutsimplement.com/elles-etaient-quatre/
Je vais me mettre à la recherche de ce Garneau.
Vous avez piqué ma curiosité.
Bonne année Jean-Louis!