Marie Saint-Éphrem (Marie Bissonnette), Immortel amour, Sillery, Couvent de Jésus-Marie, 1929, 188 pages
(Présentation de l’auteure par J.-E.
Prince et préface de Camille Roy)
Mère Marie Saint-Éprem était une
religieuse-enseignante. Elle est décédée le 10 janvier 1921. Immortel amour est paru huit ans après son décès. Dans ce recueil,
on a rassemblé certaines poésies publiées dans des Annales religieuses et d’autres
poésies retrouvées dans ses tiroirs. Son recueil contient quatre parties : - À Jésus; À l’Eucharistie; À Marie,
à Saint-Joseph, à Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus, aux âmes du purgatoire; À ma famille religieuse. Il est entièrement d’inspiration religieuse.
Il y a une quête amoureuse assez
intense dans Immortel amour. À l’heure où l’on
dit tant de mal des communautés religieuses (avec raison dans plusieurs cas),
il ne faut pas oublier qu’il y avait aussi dans le lot des « cœurs purs ».
J’avais comme projet de présenter un poème dans l’esprit des fêtes, mais j’ai
changé d’idée en lisant le dernier du recueil, écrit sur son lit de mort,
semble-t-il. La religieuse jette un regard mi-enchantement, mi-détresse sur sa
vie.
LES MOISSONS DE MA
VIE
J'allais, petite enfant, sur des chemins tout verts;
Le ciel était limpide, et, pour moi, l'univers
Apparaissait drapé de couleurs merveilleuses;
Et les oiseaux chantaient sur le bord du sentier
Tandis que le buisson tout frais de l'églantier
S'habillait de ses fleurs tendres et gracieuses.
Et Jésus vint alors parler à mes dix ans:
« Offre-moi, me dit-il, l'aube de ton printemps,
Moissonne pour mon Cœur toutes ces fleurs écloses ? »
Et souriant, ravie, à l'appel de mon Dieu,
Chaque matin nouveau, j'allais sous le ciel bleu
Cueillir à bras chargés, pour Lui, les jeunes roses.
Le ciel était encor très doux : j'avais seize ans;
La vie avait pour moi des attraits séduisants;
Des fleurs d'azur rêvaient tout près des églantines…
La Vierge m'apparut et me prit par la main;
Elle me dit : « Ces fleurs qui parent le chemin,
Fais-en pour mes autels des gerbes sans épines. »
Et joyeuse, j'allais moissonnant sur mes pas
Gerbes de campanules, branches de lilas
Pour la douce Reine des vierges.
Et Jésus et sa Mère, ensemble souriaient
A mes bouquets naïfs qui, modestes, priaient,
Tout bas, en s'unissant aux cierges.
Vint un jour solennel et grand: j'offrais à Dieu
Les prémices de ma jeunesse et tout le feu
De mes vingt ans que je vouais à son service.
Le chemin était blanc de lys au front royal
Qui, chastes, mariaient leur parfum virginal
Au parfum plus viril des fleurs du sacrifice.
Et Jésus était là, dans toute sa beauté,
S'inclinant sur les lys de ma virginité,
Dont je faisais pour Lui la moisson radieuse.
Son sourire adorable éclairait mon chemin
Tandis qu'il m'embrassait et me prenait la main
Pour y passer l'anneau des noces glorieuses.
Et je marchai longtemps près de l'Époux vainqueur,
Mon regard dans ses yeux et mon front sur son Cœur,
Ma faiblesse appuyée à sa force éternelle.
Les arbres du sentier avaient moins de chansons...
Que m'importait!... Jésus me disait : « Avançons!... »
Et près de Lui, la route était facile et belle.
Or, le soleil pâlit soudain. Le firmament
Si clair, s'enveloppa d'un sombre vêtement.
Plus d'oiseaux... Au buisson, des rosés empourprées...
Devant le Maître aimé, je tombais à genoux
Cependant qu'il me dit, à la fois grave et doux:
« De la douleur, voici les minutes sacrées. »
« Cueille pour moi ces fleurs semblables à mon sang,
Et tu m'en offriras le bouquet ravissant,
Moissonné par l'amour, au milieu des épines...
C'est l'heure magnanime et sainte, en vérité,
Qui, pour mes yeux divins, s'inonde de clarté:
Et cette heure connaît mes tendresses divines. »
Or, depuis ce jour-là, je suis péniblement
Mon chemin de douleurs. Terne est le firmament…
Et le Maître adorable a voilé son visage...
Mais je me FIE À Lui, je moissonne les fleurs
Qu'il fait s'épanouir pour moi. De mes douleurs,
Chaque jour, à ses pieds, je dépose l'hommage.
O mon chemin de fleurs rouges, je te bénis!
Tu m'offres pour le ciel des espoirs infinis...
Des gloires pures et brillantes!
Je veux suivre en priant ce sentier des élus,
Et cueillir, à genoux, pour mon divin Jésus,
Tous ces bouquets de fleurs sanglantes.
C'est plutôt bien tourné je trouve. Cette femme avait un talent d'écriture qu'elle aurait pu développer davantage.
RépondreEffacerAu Québec, on devrait porter plus d'attention à la production littéraire des membres des communautés religieuses qui recrutaient nos meilleurs talents.
Sur le fond, on distingue bien le pattern : le Christ est la figure de l'amant, de l'époux. Vient ensuite la souffrance qui symbolise les douleurs de l'enfantement. On reconnaît ce même modèle dans plusieurs textes écrits par des religieuses. Elles avaient fait le voeu de chasteté mais n'en demeuraient pas moins des femmes.
J'oubliais. Je veux vous souhaiter des Joyeuses fêtes et une bonne année 2013. C'est toujours un plaisir pour moi de lire Laurentiana.
RépondreEffacerJoyeux Noël à vous et aux vôtres. Longue vie à votre Carnet.
RépondreEffacerMère Saint-Ephrem était la soeur de mon arrière grand-mère. Je vous remercie d'avoir mis ses écrits en valeur. Je peux vous confirmer son grand talent, ayant une copie de son livre.
RépondreEffacer- Michelle Sullivan (arrière, arrière petite-fille de Ferdinand et Mélandre Bissonnette, parents de Marie)
Alain Saintonge a dit : « ..Sur le fond, on distingue bien le pattern : le Christ est la figure de l'amant, de l'époux. Vient ensuite la souffrance qui symbolise les douleurs de l'enfantement. On reconnaît ce même modèle dans plusieurs textes écrits par des religieuses. Elles avaient fait le voeu de chasteté mais n'en demeuraient pas moins des femmes. »
RépondreEffacerM. Saintonge, c'est sur le plan mystique, surnaturel, que cette soeur se place, et non sur le plan humain, naturel. Il faut lire ses poèmes dans le même esprit qu'elle les a écrit pour bien les comprendre.