Louis Geoffroy, Être ange étrange, érostase, Montréal, Éditions Danielle Laliberté, 1974. 138 p. (Couverture : Roger DeRoches d’après un dessin d’Emmanuelle Septembre; illustrations d’Emmanuelle Septembre)
(J’ai souvent lu le recueil en diagonale.)
Voici un deuxième livre que Geoffroy consacre presque en entier à Emmanuelle Septembre. Cette fois-ci, ce sont des récits dans lesquels l’action est bien mince et le discours poétique omniprésent. Le recueil contient trois parties. Dans la dernière, la femme aimée est devenue « ELLE ».
L’action se passe à Montréal, mais aussi à New York où ils assistent à un concert des Grateful dead. La sexualité est omniprésente, sans qu’il y ait de vulgarité. La drogue et surtout la musique (Mingus, M. Davis, Ray Charles) sont sources d’inspiration et, le plus souvent, accompagnent les ébats sexuels.
Geoffroy adore Emmanuelle Septembre, il le répète. On dirait que son discours n’arrive pas à cerner cet attachement, d’où les multiples reprises. Il aime son corps, sa beauté, l’érotisme qu’elle dégage, une certaine indépendance qui la rend attirante. Il voudrait littéralement la « posséder » : « écrire que tu as les plus beaux seins du monde alors que je ne connais pas les seins du monde, cependant le plaisir du livre du corps ne peut plus me saisir sans le dressement diaphane et subtil de ton mamelon couronné de foliacées noirâtres, prolongement de ton pelvis, te souviens-tu de cette gravure de Léonard de Vinci et la chaîne nerveuse prolongeant le clitoris jusqu’au bout du sein où je me perds en caresses alors que ma tendresse devient possession, je voudrais t’arracher les seins, t’arracher le corps pour l’avoir toujours près de moi et je voudrais t’arracher l’intelligence pour l’avoir toujours près de moi. »
Au fond, Geoffroy focalise davantage sur sa propre sexualité, ses fantasmes, son « cerveau-sexe » hyperbolique :
« Mon sexe en réaction nucléaire se dresse comme le télescope du Mont Palomar ou une batterie de fusées 1CBM Sprint vers le ciel où je la vois tourner et le plus petit mouvement d’elle peut me faire dégorger toutes les énergies amassées, je demeure dur comme un granit artistique et aussi fragile qu’une délicate statue de marbre tout le temps qu’elle passe là-haut et que du bas, absorbant le même carburant pour essayer d’éprouver les sensations qu’elle connaît, je la regarde évoluer comme un condor charognard en vol rectiligne. » (p. 35)
« Je la vois les jambes écartées par-dessus la ville, comme le ciel, le sexe ouvert pour tous les gratte-ciel-phallus et dans Greenwich Village au début d’une nuit à l’hôtel Valencia sur St-Mark’s Place, au coin de la Troisième Avenue, je la regarde agir, je vois New-York se transformer en ville humaine, les briques devenir cellules protoplasmiques, en fait, transmutation de pouvoir, je me sens devenir New-York pour pénétrer son ombre au-dessus de moi, l’avion qui m’a emmené à La Guardia lui caresse le front. » (p. 83)
« Oh, son long corps mince et ces seins volcaniques, je lui lance mon cerveau-sexe au-dessous du volcan pendant que ses poils frissonnent autour des cratères, et ce sexe univers, voie lactée et toutes galaxies dans un seul liquide, profondeur de sa mince fente jusqu’au septième ciel et aux quatre dimensions et ces jambes-rayons de tous les soleils de midi et de minuit, que j’aimerais devenir la peau autour d’Emmanuelle. » (p. 95)
Il cite Beauté baroque de Gauvreau. Chez ce dernier, la femme aimée était un être complexe qu’on découvrait petit à petit. J’ignore qui était Emmanuelle Septembre et je ne le sais toujours pas à la fin de ce recueil.
Louis Geoffroy sur Laurentiana
Empire States. Coca cola blues
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