19 juillet 2024

Or le cycle du sang dure donc

Raoul Duguay, Or le cycle du sang dure donc, Montréal, Éditions de l’Estérel, 1968, 97 p. (3 illustrations de Jacques Cleary)

Le recueil compte cinq parties : donc blues pour l’homme total à totems de - après les dieux de chair après - or psaume pour une putain car - et l’ève seconde et - or le cycle du sang dure donc.

Duguay est un philosophe qui cherche les causes et les finalités. Il se tient derrière les faits et gestes, les apparences et les façades. Ses poèmes se meuvent entre la philosophie, la biologie et la religion. L’amour entre une femme et un homme, cela va au-delà de l’érotisme, ils assurent la pérennité de la vie.

Il reprend un peu là où nous a laissés Ruts. Au départ, le focus est mis sur la femme et sa sexualité. Bienheureuse est la femme qui reçoit l’homme en elle, alors que « la vierge enfante le vide en elle », cette malheureuse que « jamais le baiser ni le halètement ne réchauffent [les] chairs ». La femme qui enfante, c’est le « cycle du sang qui dure ». Malgré les guerres, les destructions, l’instinct de vie finit par émerger.

« Après les dieux de chair », vient la parole car la vie se perpétue à travers la pensée, le poème : « visionner en l’Homme le / temps de sang l’espace de / chair vivre ne sert / qu’à éterniser son souffle en l’Homme par le / geste du verbe ».

Suit le « psaume pour une putain » : « tu dénoues la vie en chaque chair courbe et / serpentine ». Le Christ, s’il n’avait pas été « roi de l’esprit », aurait choisi la crevasse de [s]on corps pour enfanter son royaume de chair ». Même la putain participe au « cycle du sang qui dure ».

« Dans l’ève seconde », partie pleine de références religieuses, il réécrit en quelque sorte l’histoire de la naissance de l’Homme depuis le jardin d’Éden jusqu’à la mort du Christ sur la croix : « mange le fruit sacré qui te vient du / Père et qui se multiplie par / l’Esprit oublie tes yeux en / guise de lampions dans la nuit et ne parle plus que / d’amour à ceux qui te / crucifient ».

La dernière partie nous ramène à la première : l’homme et la femme qui font l’amour, le « cycle du sang qui dure » :

or l’aimée la belle trop pleine pleine de sang blanc le
change en chair blanche [(le vin vif en
pain) car il est dit que toute femme peut
(avant que l’ange ne l’appelle) nourrir le
christ le vrai celui qu’un homme sème avec sa
verge avec son verbe et celui qui apprivoise la
Colombe (mais ici les colombes sont
rouges)] car le cycle du sang dure donc donc donc

 

Comme on le voit dans ce poème, Duguay pratique toujours une coupe des vers assez déconcertante par moments. Et il a ajouté les propositions entre parenthèses, elles-mêmes encadrées de tirets à l’occasion, comme s’il n’arrivait pas à contenir sa pensée.

 

Raoul Duguay sur Laurentiana

Ruts

Or le cycle du sang dure donc

Lapokalypso

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