Roland Giguère, Les nuits abat-jour, Montréal, Erta, 1950, 45 feuilles dans un portefeuille. (Images d’Albert Dumouchel) Tirage : 25 exemplaires.
Comme Giguère a refusé que Faire naître et 3 pas
soient repris dans les trois rétrospectives publiées chez l’Hexagone, on
pourrait presque dire que Les nuits abat-jour est son premier recueil,
du moins le premier qu’il juge suffisamment achevé.
Écrit entre 1949-1950, il contient 22 poèmes. Bien entendu, ma lecture ne rendra pas compte de la dimension iconographique du recueil. Je l’ai consulté il y a quelques années à la BAnQ Rosemont-La Petite Patrie et j’avais pris quelques photos à cette occasion. Pour ce qui est du texte, je me suis référé à sa reprise dans L’Âge de la parole, donc aux 10 poèmes retenus.
L’HOMME À LA PAILLEIl vécut vingt ans avec une paille dans l’œilPuis un jour il se couchaEt devint un vaste champ de blé.
L’attente et la projection dans le temps sont des motifs qu’on retrouve chez Giguère : « Plus tard le ciel déchiré de cris / plus tard les enfants nus / plus tard les bruits légers des belles rencontres ». Le présent est fortement tissé de tensions, marquées métaphoriquement, par l’opposition entre l’ombre et la lumière, entre une nature saine et une autre, pervertie : « L’eau glauque l’eau glauque / je me souviens aussi de l’amande / de l’eau glauque de l’herbe tendre ». OU encore : « les regards limpides se perdent / dans une aube boueuse / la clarté revient sur ses pas ».
Comme on le verra dans plusieurs recueils, la femme lui offre la possibilité de sortir de l’impasse, à tout le moins d’apaiser les tensions : « Au fil de l’air propre et léger / au long des années perdues / tu prends forme de femme / femme complète femme immense / nue pour un regard intense / tige pâle au sortir de l’eau ». Rien ne garantit la pérennité de sa présence : « Il ne faudra pas crier / car tu t’en iras au son du cœur / laissé entr’ouvert derrière toi / au seuil du repos. » Bref, rien n’est magique, encore plus si on est un « magicien / exilé sur une île déserte ».
LE MAGICIEN
Elle pensait à lui
comme on pense aux coquillages
laissés sur la plage humide
elle pensait à lui
comme on pense à un oiseau
enfermé dans un encrier
elle pensait à lui
comme on pense à du verre brisé
qui reflète encore un peu de soleil
elle pensait toujours à lui
en pensant à autre chose
lui était magicien
exilé sur une île déserte.
Pour lire les poèmes : L’âge de la parole, p. 63-74
Roland Giguère sur Laurentiana
Éditions
Erta
Faire naître
Yeux
fixes
Midi
perdu
Images
apprivoisées
Les
armes blanches
Le
défaut des ruines est d’avoir des habitants
Adorable femme des neiges
L’âge
de la parole
Voix
de 8 poètes du Canada
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