Blanche Lamontagne, La vieille maison, Montréal, L’Action française, 1920, 219 pages.
Il y aurait une thèse à rédiger
sur le motif de la « vieille maison » dans la littérature du terroir.
Si la plupart des auteurs se contentent d’un ou deux poèmes ou d’un extrait de
roman, Blanche Lamontagne lui consacre tout un recueil. Si vous me permettez le
mauvais jeu de mots, c’est de fond en comble qu’elle épluche le sujet.
Le recueil compte neuf parties et
un poème liminaire. Celui-ci est une « hymne à la vieille maison » de neuf sections réparties sur 13 pages! Lieu de mémoire, lieu de
pèlerinage, refuge de la famille et de la religion, la vieille maison est le
symbole de l’opiniâtreté des Canadiens français. Malheureux sont ceux que
« la ville maudite enrôla ».
La première partie, comme il se
devait, est intitulée LA PORTE, cette « bonne porte, sourire / de
la maison ». On n’entre pas vraiment à l’intérieur, les poèmes portant sur
le paysage environnant, bucolique à souhait. On peut « voir[r] monter sous
le ciel les épis orgueilleux ».
Après « La porte »,
vient LA FENÊTRE. Pendant que l’homme travaille à l’extérieur, sa femme
s’installe à la fenêtre pour tisser ou pour suivre de loin le travail des
champs, en fait pour rompre l’ennui en « attenda[nt] l’époux ». « Rapidement
elle dressait la table ; / Du lait, du lard, du pain brun délectable; / L’homme
et les fils mangeaient à satiété. / Puis ils partaient. L’épouse, à la fenêtre,
/ Les regardait doucement disparaître / Dans le matin, plein de tranquillité… »
Le chapitre suivant, DANS LA
FENÊTRE, prolonge le précédent : l’autrice change de paysage et met en
scène une femme de pêcheur, dont la fenêtre ouvre sur un horizon sans fin. Elle aussi guette le retour d’un mari qui,
parfois, ne revient pas : « Sous le poids de son deuil amer, /
La veuve regarde le large, / Dans la fenêtre claire et large. »
L’objet suivant, c’est Le POÊLE.
Il est associé avant tout au réconfort, à la douceur des soirées à l’abri des
intempéries. Il réchauffe mais en plus, sa chaleur bienfaisante suscite des rêveries.
Quand il chante, n’est-ce pas les amours et la vie des anciens qu’on entend?
LE BER, on l’aura deviné, est
le symbole, le fer de lance de la survivance des Canadiens Français :
« Montez, montez, dans le ciel clair, / Chants du pays, chants du vieux ber!
… »
LA LAMPE évoque la
quiétude du soir, quand la famille se réunit après une dure journée de labeur. En
plus, elle guide « notre marche parmi les ombres ici-bas ».
La présence de LA CROIX DU MUR
signale l’importance de la religion, guide et consolatrice, confidente et
inspiratrice. « Car il nous faut savoir lever les yeux au Ciel, / Et
croire qu’il est Tout, qu’il est l’Essentiel. »
On pourrait penser que LES
ABSENTS nous éloignent de la vieille maison. Détrompons-nous, les absents ne
l’ont jamais vraiment quittée : « Les absents sont les plus
vivants, / Dans la demeure et dans notre âme. »
Les deux dernières parties du
recueil sont un peu à part et constituent un épilogue. Ainsi QUAND LA MAISON
ÉTAIT JEUNE nous ramène quelques années en arrière. On a droit à « L’heure
des vaches », à « L’heure des poules » et à la récolte des
petits fruits, bref à la vie paysanne autour de la vieille maison.
Tout le recueil est marqué par le passage du temps. Lamontagne regrette la disparition d’un monde, comme si son époque était en rupture avec celle de ses aïeux. La dernière partie, DEUX OMBRES, évoque ce jour où tout doit finir, où des vies de labeur et d’amour ne sont plus que souvenirs douloureux. Cependant, consolation ultime, il reste l’autre vie : « Pourquoi river tes yeux aux choses d’ici-bas ? / N’est-il pas un ciel qui s’entr’ouvre là-bas? … »
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