François Piazza, Les chants de l’Amérique, Montréal, IVE, Le
crible, 1965, 28 pages.
François Piazza (1932-2017), Marseillais d’origine, émigre au Québec à la fin des années 50. Sa représentation de l’Amérique alterne entre le fantasme et une vision beaucoup plus mordante. Au départ, l’Amérique est symbolisée par une femme, à la fois sirène et dévoreuse d’hommes : « Femme cynique et sans merci…! Tu étouffes amoureusement dans ton ventre, les plaintes, les gargouillements de ceux que tu tues. » Rapidement surgit le passé trouble : le génocide autochtone, l’esclavagisme, les affres du dollar et de la réussite à tout prix. L’Amérique n’est pas la terre de liberté qu’il entrevoyait : les sorcières de Salem, les Rosenberg, McCarthy, Batista, Duvalier… Une Amérique où gronde la révolte.
Après nous avoir promenés du nord au sud, Piazza s’intéresse à la situation du Québécois. Il décrit un homme aliéné dont l’identité a été gommée par la Conquête, par ce qui s’en est suivi et, plus récemment, par l’American way of life :
Je suis bon canadien, et bilingue aussi
Je mange en anglais, et en français, je prie
Je chante O Canada.
Dans ma belle voiture qui est made in USA
Je vais acheter mes « beans » dans une grocery
Et boire mon milk-shake au Snack-bar d’un grug-store
Regardant le baseball sur le screen du TV
Ou le Ed Sullivan show…
En tout cas, any more
I am a French-Canadian
Puisque je vous le dis…
Le recueil, très structuré, se termine par un retour en arrière : le poète, malgré toutes ses désillusions, se permet une déclaration d’amour :
« Je t’aime. Ne faut-il pas t’aimer pour te haïr, pour rêver en son cœur ce que tu pourrais être? Tu es un rêve goulu qu’on ne peut pas finir. / Ne me demande pas des yeux d’indifférence. Tu es bien plus qu’un monde, tu es une passion. Nous te voyons, reluire dans le creux des images, comme le devenir de nos rêves, d’enfants… »
« Malgré ces écrits d’amour, de rage et de souffrance, tu restes encore l’espoir des hommes de demain. Il y a tellement plus de futur dans une maîtresse que dans une mère… / Et pourtant tu seras celle de nos enfants / Demain? »
Pas sûr que les femmes apprécieront la vision d’une autre époque de Piazza.
Pour la petite histoire, Michel Chartrand a imprimé ce livre sur « Les presses sociales ».
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