Claude Laurier (pseudo de Lise Lapointe), d’un MONSTRE à l’AUTRE, Montréal, Atys, 1961, 40 p.
Le premier poème s’intitule « hécatombe à Pénélope dixit Georges Brassens » et au bas, comme ce sera le cas de tous les poèmes, est inscrite l’heure où il a été achevé, dans le cas présent « 8 hres p. m. ». La référence à Pénélope n’est pas gratuite, ce poème évoque un déracinement amoureux, l’abandon, la perte de l’estime de soi. Laurier file une métaphore (la décomposition des fruits et des corps) pour décrire la perte : « griffes de chairs putrides / et toi tu essaies de masquer les déchirures / maintenant puante carcasse en lambeaux de sang ». Vérification faite, « Pénélope » est le titre d’une chanson de Brassens dans laquelle il s’interroge sur les rêves de l’épouse rivée à sa maison, donc sans lien très fort avec le poème de Laurier.
Les poèmes qui suivent n’ont pas tous la qualité de l’initial et ratissent beaucoup plus large que le revers amoureux. Tous reprennent plus ou moins le sentiment d’inconfort, de malaise, que la poète ressent. Il est inutile d’essayer d’identifier qui sont ces « monstres » qu’évoque le titre, mais chose sûre le mot « homme » revient souvent. Les poèmes traduisent un sentiment d’impuissance, on y fait état d’agression, de blessure, d’orage. « vous avez moissonné mes gerbes de sang / pourquoi paver vos chemins de velours grenat ». La poète ne se pose par pour autant en victime, on pourrait plutôt parler d’une posture de défi et même de vengeance : « rivale intrépide / celle-là qui ne vient de nulle part se dit de partout / je me vengerai bientôt des déesses ». « Monstre », de son propre aveu, elle l’est aussi.
Seule femme à avoir publié chez Atys (Liliane Morgan a publié quelques poèmes dans un collectif), il est difficile de comprendre qu’elle n’ait jamais fait paraître d’autres recueils de poésie. Elle avait une « voix », comme on dit parfois.
les peupliers ne me
parlent plus
les sons de l’air touchant les femmes pendues au cou
ne correspondent plus aux miens
les peupliers
droits s’enlignant de profil
ont fermé ma fenêtre
mes yeux vivent
de torses nus
de belles robes écarlates orange ou magenta...
gisent sur le sol
mes souvenirs froissés mes souvenirs
mous...
je vais me taire
puisque les arbres qui me disaient de vastes poèmes
les ARBres se sont tus
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