Georges Dor, Chante-pleure. Poèmes sépara-tristes, Montréal, Atys, 1961, 51 p.
Dor commence par une lettre au lecteur qui donne le ton :
« Monsieur, Madame,
Je tiens à vous faire savoir tout de suite que je n’ai pas de génie, même pas celui de me taire; je m’excuse sincèrement et vous prie de me croire,
Votre tout dévoué,
Georges Dor
N.B.—Les mots sont faits pour nommer, aussi, ai-je voulu nommer ma peine et celle de ma province. Voilà pourquoi j’ai écrit ce que j’appelle solennellement une “poésie appliquée”. »
Dor écrit une poésie engagée, ce qui est digne de mention en 1961. Plus simplement que Miron, il parle de la dépossession d’un peuple qui n’a pas su trouver son identité, de son aliénation, de ses rapports faussés aux autres, d’une perte de repère qui mine tout, y compris l’amour.
Nous sommes tous
Exilés
Touristes
Locataires
Dans notre propre maison
Il nous manque un mot de passe
Un mot de trop
Un seul mot
Pour tout faire sauter
Le mot cœur ou le mot fierté
Le mot vainqueur ou le mot liberté
La poésie de Dor est toute simple, écrite pour être lue ou récitée à voix haute.
Pourquoi sont-ils venus d’Irlande
A St-Germain
Me plonger dans l’anonymat
Au lieu de me laisser vivre
Sans borne
Mon ancêtre Patrick
Pourquoi n’êtes-vous pas resté là-bas?
Ici je ne suis rien
Même parmi les meilleurs
J’ai une voiture allemande
Un grille-pain américain
Un complet d’Italie
Des souliers pan-canadiens
Un chandail d’Angleterre
Une langue de France
Qui me sert de temps en temps
A parler du beau temps
Et mon fils s’amuse
Avec des jouets Walt Disney
Fabriqués au Japon
J’ai bien une cravate carrelée
Du plus pur artisanat
De chez-nous
Et un orme dans ma cour
Qui porte l’inscription Western Realties…
Ma maison est à vendre
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